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Número 10 - Noviembre 2008
Le "petit Hans" et sa famille:
données historiques et biographiques

Josiane Praz

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Pour les "petits Hans" et les "petites Hanna" de notre époque

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Table des matières

Lorsque la théorie et la pratique ne correspondent pas, voire se contredisent,
la théorie ne
reflète pas la réalité, mais représente des idéaux non réalisés,
ou peut même être utilisée pour esquiver la réalité ou pour en faire une mystification.
Ernst Falzeder (1996, p. 281)

Introduction *

Les auteurs s'intéressant au cas du "petit Hans", de son vrai nom Herbert Graf, né à Vienne le 10 avril 1903, déplorent régulièrement le manque de données biographiques concernant notamment la mère du petit garçon. Or, certaines données historiques et biographiques ont été publiées ces dernières années. Le lecteur les trouvera rassemblées dans ce chapitre, qui contient également quelques éléments inédits.

Le matériel présenté ici est essentiellement issu d'un document des Archives Freud qui est resté inédit pendant quarante-quatre ans. Il s'agit d'une interview accordée en 1952 à Kurt Eissler par Max Graf, père du "petit Hans". Cet entretien a été enregistré sur deux bandes magnétiques. Les Archives Balint à Genève en possèdent une transcription dactylographiée en allemand, langue dans laquelle s'est déroulé l'entretien. J'adresse ici mes remerciements au Dr Ernst Falzeder, qui m'a fait découvrir l'existence de ce document en 1995, ainsi qu'au Professeur André Haynal, qui en a autorisé l'usage. Cette interview a été traduite et publiée en français en 1996 dans le Bloc-Notes de la Psychanalyse. Quant au matériel inédit, il s'agit d'un arbre généalogique de la famille Graf, établi par le Professeur David Abraham. Le génogramme présenté dans ce chapitre a été construit sur la base de l'ensemble de mes sources, mais il doit beaucoup à cet arbre généalogique, et je remercie la veuve d'Herbert Graf et sa fille, Madame Ann-Kathrin Graf, de m'avoir autorisée à faire usage de ce document familial.

Les contributions préalables de Barbro Sylwan (1978), Harry Stroeken (1987), et Veronica Mächtlinger (1995) méritent par ailleurs d'être soulignées, ces auteurs ayant publié un certain nombre de données après avoir effectué des recherches historiques et biographiques. Quant aux références de base, elles sont essentiellement constituées, outre le récit de cas de Freud (1909), par les Minutes de la Société Psychanalytique de Vienne (Nunberg & Federn, 1976), et les textes autobiographiques de Max Graf (1942) et Herbert Graf (1972).

Le présent effort de reconstruction historique reste bien entendu incomplet, mais il permet d'ores et déjà de constater que l'environnement familial dans lequel le "petit Hans" a grandi était fort différent de celui que Freud nous a présenté.

La mère du "petit Hans"

Nous connaissons maintenant avec certitude l'identité de la mère de "Hans": née le 2 octobre 1877, elle se nommait Olga Hoenig. Issue d'une famille viennoise, elle a épousé Max Graf le 20 décembre 1898. 2 Elle avait alors vingt-et-un ans, son époux vingt-cinq.

En nous tournant vers la fratrie d'Olga Hoenig, nous entrons de plain-pied dans un monde de tragédie. Olga Hoenig était la sixième enfant d'une fratrie de sept. Elle avait deux frères aînés, dont l'un s'appelait Oskar Siegfried, né en 1874 3. Elle avait également trois soeurs aînées. Marie Valerie, née en 1872 4, est devenue pianiste. Deux autres soeurs, dont l'une se prénommait Sidonie 5, sont devenues actrices. L'une d'entre elles est morte prématurément, l'autre étant la seule à être encore vivante en 19526. Olga Hoenig avait également une soeur cadette, qui a été atteinte de paralysie infantile. Le décès prématuré de l'une des soeurs aînées pourrait être dû à un suicide, mais cela n'est pas très clair: Max Graf nous dit en effet qu'une des soeurs a "commis un suicide, une tentative"7. Quant aux deux frères aînés, ils se sont tous les deux suicidés. Il s'agit de suicides par balle 8. On sait qu'Oskar Siegfried (1874-1891) 9 est mort à dix-sept ans, mais on ignore s'il y a eu un double suicide simultané ou si les deux événements se sont produits à des dates différentes: "Elle a eu deux frères, qui se sont suicidés les deux. C'était après que l'un ait reçu une médaille pour le sauvetage d'un inconnu" 10. Quoi qu'il en soit, cela s'est passé avant le mariage d'Olga Hoenig. 11

 

Le père du "petit Hans"

Max Graf est né le 1er octobre 1873 12 à Vienne. Aîné d'une fratrie de cinq, il avait trois frères cadets, suivis d'une soeur 13. Son père, Josef Graf, était né en 1847 à Tereschau, dans la région de Pi lsen (Bohême) et avait épousé sa cousine, Regine Lederer, née en 1855. 14 On notera que le grand-père paternel de Max Graf, Solomon Graf, s'est marié deux fois, a également épousé sa cousine, Sophie Graf 15, et que Max Graf lui-même tombera amoureux de sa cousine Hedwig 16.

Max Graf déclare ne pas avoir eu une bonne relation avec son père, qui était un écrivain politique. Celui-ci était un adepte des vieilles méthodes éducatives. Son fils se plaint de ne pas avoir eu une bonne éducation et d'avoir reçu des rossées. Max Graf avait peur de son père. Quant à sa mère, tout ce que nous savons est qu'elle aimera beaucoup Herbert, son petit-fils, et qu'elle ne s'entendait pas avec sa bru. 17

On notera que le père de Max Graf est décédé le 3 juin 1908 18, soit moins d'un mois après la fin de la phobie du "petit Hans". Quant à la mère de Max Graf, elle est décédée le 27 novembre 1909 19, l'année de la publication du cas de "Hans".

Max Graf est devenu Docteur en Droit en 1896 à l'âge de 23 ans, conformément au désir de ses parents. Il est ensuite devenu musicologue, critique d'art, enseignant et homme de lettres 20. Max Graf assistera aux "réunions du mercredi" de la Société Psychanalytique de Vienne de 1902 à 1912, et brossera de Freud un portait oscillant entre l'idéalisation et la critique (voir Graf, 1942).

Max Graf s'est marié trois fois, la mère du "petit Hans" ayant été sa première épouse. Ses deux dernières épouses étaient des chanteuses lyriques. Il s'est marié avec la dernière, Polly Bastic, en 1929 21. Max Graf avait cinquante-six ans, Polly Bastic vingt-trois. Cette jeune femme était née en 1906, la même année que Hanna, la fille de Max Graf et Olga Hoenig. Max Graf est décédé à Vienne le 24 juin 195822.

La triple rencontre: Olga Hoenig, Max Graf, et Sigmund Freud

Avant la publication de l'interview de Max Graf, la source principale en ce qui concerne cette triple rencontre était un article de Max Graf paru en 1942 (Graf, 1942). Barbro Sylwan s'est toutefois également référée à un livre de souvenirs de Max Graf paru en 1957, soit un an avant sa mort. Ce livre s'intitule "Jede Stunde war erfüllt" (Sylwan, 1978, p. 174). On peut relever quelques différences entre ces deux textes, peu clairs et parfois contradictoires en ce qui concerne la temporalité. Il en ressort toutefois que Max Graf aurait rencontré Freud aux alentours de 1900 (après la parution de L'interprétation des rêves ) par l'intermédiaire d'une jeune femme qu'il connaissait. Cette jeune femme était alors en traitement chez Freud (ou alors elle devint sa patiente après que Max Graf l'eut rencontrée), et Max Graf l'a ensuite épousée 23. Ce dernier déclare qu'il était intéressé par les idées nouvelles apportées par Freud: l'étude de l'inconscient et l'analyse des rêves. Pensant que les processus du rêve pouvaient aussi s'appliquer à la création artistique, Max Graf a éprouvé le désir de faire la connaissance de Freud24.

Mais est-il exact que le couple n'ait pas encore été marié en 1900 ? Nous avons vu plus haut que ce mariage a en fait eu lieu le 20 décembre 1898 25. Selon Jones (1961, p. 275), l'analyse de la mère du "petit Hans" aurait été effectuée avant son mariage. C'est en effet ce qui ressort d'une déclaration toutefois quelque peu ambiguë de Freud (1909, p. 193), qui ne précise aucune date: "Sa jolie mère [de "Hans"] était, en effet, devenue la proie d'une névrose, due à un conflit du temps où elle était jeune fille"26.

Nous sommes donc confrontés à des données contradictoires: Max Graf situe la cure de sa femme et sa rencontre avec Freud aux environs de 1900 en déclarant qu'il n'était pas encore marié, alors que son mariage a eu lieu en 1898. La clé de ce mystère pourrait être la suivante: Max Graf a confié à Kurt Eissler qu'il a effectivement rencontré Freud avant son mariage, donc avant 1900, mais pas pour les raisons invoquées dans les deux textes publiés de son vivant. Max Graf dit avoir rencontré sa future épouse alors qu'il était encore étudiant. Chaque soir, il allait se promener avec elle, et un jour elle lui a dit qu'elle était en traitement chez le Professeur Freud. Chaque jour, elle lui parlait de sa cure. Au bout d'un certain temps, Max Graf a fini par aller trouver Freud27. Il est en fait allé lui demander s'il pouvait épouser sa séduisante patiente, ou plus exactement si l'état de cette dernière lui permettait de se marier. Olga Hoenig était, selon Max Graf, une très belle femme, très intéressante et pleine d'esprit. Il ajoute toutefois qu'elle était sans doute hystérique, ce dont à l'époque il ne pouvait pas juger. Freud, très enthousiaste, a vivement encouragé Max Graf dans ce projet, et l'a assuré qu'il trouverait beaucoup de plaisir dans ce mariage. Max Graf a donc épousé la jeune fille. Quant au plaisir annoncé, nous verrons plus loin que Max Graf ne l'a précisément pas trouvé. (Archives Balint, pp. 1, 19-20; Bloc-Notes, pp. 123, 132).

On notera que Max Graf persiste ici encore à situer son mariage et sa rencontre avec Freud en 1900. Il faut bien insister sur le fait que dans cette interview, tout comme dans ses textes publiés, Max Graf commet un certain nombre d'erreurs, sa mémoire n'étant pas toujours très fiable en ce qui concerne les lieux et les dates. Pour ne citer que quelques exemples, il pense que les réunions dites du mercredi avaient lieu le vendredi (!) et avaient commencé vers 1900 (au lieu de 1902). Il parle par ailleurs du voyage américain de Freud à Toronto (au lieu de Boston) et déclare que Freud avait offert au "petit Hans" un cheval à bascule pour son anniversaire après que l'enfant eut été guéri de sa phobie des chevaux ! 28 (Archives Balint, pp. 4, 16, 17; Bloc-Notes, pp. 125, 130, 131).

Or, la première rencontre avec Freud évoquée ci-dessus a été suivie d'une autre, que l'on pourrait situer autour de fin 1899 ou début 1900 (rappelons que L'interprétation des rêves a été publiée le 4 novembre 1899 29). Cette rencontre pouvait cette fois avoir pour objet le rêve et la création artistique, mais Max Graf avait également d'autres préoccupations. Il se trouve en effet qu'environ une année après son mariage, il est allé se plaindre auprès de Freud, disant que son mariage ne marchait pas. Freud en a été très surpris, et il a apparemment conseillé à Max Graf d'être patient, mais comme nous le verrons plus loin, les choses ne se sont pas améliorées avec le temps. (Archives Balint, pp. 19-21; Bloc-Notes, p. 132).

Le traitement d'Olga Hoenig par Freud

Il n'était guère possible de localiser dans les écrits de Freud une éventuelle allusion au cas d'Olga Hoenig avant de disposer d'informations biographiques la concernant. Mes recherches en ce sens se sont toutefois révélées peu fructueuses, en dépit du matériel présenté plus haut. La seule hypothèse que je peux retenir à ce jour se réfère à un cas mentionné par Freud dans une lettre à Fliess datée du 22 juin 1897 (Masson, 1985, pp. 253-254). La version française, que je cite ci-dessous, porte la date erronée du 12 juin 1897.

"Je me suis vu obligé, cet été, de m'occuper de deux nouveaux cas qui évoluent fort bien. Le dernier en date, qui m'intéresse beaucoup, est celui d'une jeune fille de 19 ans affectée d'idées obsessionnelles pures. Conformément à mes hypothèses, les idées obsessionnelles remontent à un âge psychique plus avancé et ne se rapportent pas nécessairement au père, qui ménage de plus en plus l'enfant à mesure que celle-ci grandit, mais à ses frères et soeurs un peu plus âgés qu'elle et qui ne la considèrent pas encore comme une femme. Dans le cas présent, le Tout-Puissant s'est montré assez bienveillant pour faire mourir le père avant que l'enfant ait atteint ses 11 mois, mais deux des frères de la patiente, dont l'un était de trois ans son aîné, se sont fait sauter la cervelle." (Freud, 1956, p. 187).

L'âge de la patiente correspond à celui d'Olga Hoenig: elle n'avait pas encore 20 ans révolus en juin 1897, et elle avait bien des frères et soeurs plus âgés, dont un frère de trois ans son aîné: Oskar Siegfried. Par ailleurs, un double suicide par balle dans une fratrie est sans doute un fait assez exceptionnel. Le terme "deux des frères" implique toutefois que la patiente en avait plus de deux.

Si ce cas se référait tout de même à Olga Hoenig, il faudrait tenir compte du fait qu'elle était orpheline de père, en plus du double suicide de ses frères et de la mort prématurée d'une de ses soeurs.

Quoi qu'il en soit, les spéculations étiologiques de Freud se réfèrent implicitement à sa théorie dite de la séduction, qu'il avait à l'époque un impérieux besoin de valider30. C'est vraisemblablement uniquement sous cet angle qu'il a abordé le cas d'Olga Hoenig, avec le succès qu'on imagine.

Max Graf (qui n'était pas psychanalyste) a d'ailleurs entrepris d'analyser lui-même sa femme après le traitement de son fils. Freud était au courant de cette analyse: il en avait parlé à Jung dans une lettre du 2 février 1910, l'analyse étant apparemment terminée (McGuire, 1975, pp. 20-21). Cette "analyse" a donc eu lieu entre 1908 et 1910, celle de "Hans" s'étant terminée au printemps 1908.

La mésentente conjugale des parents de "Hans"

Cette mésentente a été largement passée sous silence par Freud, mais certains auteurs ont pu l'inférer sans trop de difficultés31. Outre divers éléments décelables dans le récit de cas, les Minutes de la Société Psychanalytique de Vienne (Nunberg & Federn, 1976, p. 382) nous apprennent que Max Graf a déclaré avoir nommé ses deux enfants "Herbert" et "Hanna" en souvenir de sa cousine Hedwig, dont il était amoureux quand il était étudiant, et dont il griffonnait partout l'initiale. Il avait également songé à nommer son fils Harry ou Hans. Cette petite anecdote nous informe que, bien après son mariage, Max Graf était resté attaché à son amour de jeunesse, au point de nommer ses deux enfants en souvenir d'elle (Herbert est né en 1903, Hanna en 1906), ce qui laisse penser que sa relation à sa femme ne devait pas être très bonne. Durant leurs fiançailles, il avait d'ailleurs une fois rompu avec elle pendant quatre semaines, et il lui est arrivé de penser intensément à sa cousine après son mariage (Ibid.). Le couple a d'ailleurs fini par divorcer et chacun s'est ensuite remarié (Freud, 1909, épilogue de 1922, p. 198).

On peut déduire de tout ceci que ce mariage n'était pas heureux, ce qui est maintenant confirmé: selon les dires de Max Graf, son mariage a été mauvais dès le début. Après avoir fait part à Freud de sa déception, Max Graf s'était dit que peut-être des enfants pourraient améliorer la situation32, mais ce ne fut pas le cas, et Max Graf dit avoir dû supporter ce mariage pendant dix-huit ans et demi33. Olga Hoenig était selon lui "une hystérique" 34. Max Graf lui reproche notamment de ne pas avoir été sociable, ce qui représentait pour lui un frein à sa carrière d'écrivain, qui débutait. Max Graf était un jeune homme ambitieux. A vingt-cinq ans35, il avait déjà publié deux livres, mais sa femme ne voulait pas fréquenter la société. Elle évitait de sortir, car à l'extérieur, elle était inquiète, désécurisée, mal à l'aise. Elle voulait toujours rester à la maison, et Max Graf dit que quand on a une belle jeune femme, on ne veut pas rester enfermé dans un appartement avec elle... De plus, selon Max Graf, son épouse serait devenue jalouse de ses travaux, au point d'en déchirer quelques uns. Elle ne s'entendait pas avec ses beaux-parents, ni d'ailleurs avec qui que ce soit. Elle a aussi eu des moments de dépression. Quant aux relations intimes du couple, elles n'étaient pas satisfaisantes: Max Graf parle d'absence de plaisir érotique, et déclare avoir attendu que ses enfants soient grands pour divorcer. (Archives Balint, pp. 19-21, 39-40; Bloc-Notes, pp. 132-133, 143).

Olga Graf en tant que mère

Max Graf a donc confié à Kurt Eissler que son épouse était inhibée socialement et qu'elle n'aimait pas sortir, mais il affirme qu'il ne s'agissait pas de craintes ou d'angoisses. Selon lui, il ne s'agissait pas de symptômes (phobiques), comme le lui a suggéré Kurt Eissler, qui n'a pas manqué de faire un rapprochement avec les symptômes agoraphobiques du "petit Hans": tout comme l'enfant, la mère restait à la maison et ne voulait pas sortir. Max Graf insiste: ce n'était pas par peur, par angoisse. Sa femme avait une nature asociale, de manière générale. (Archives Balint, p. 41; Bloc-Notes, p. 144).

Si Olga Graf était inhibée en société, les lecteurs du récit de Freud n'ont pas manqué de remarquer qu'elle était en revanche plutôt désinhibée face à son fils, n'hésitant pas à se déshabiller devant lui, à exhiber ses sous-vêtements, à l'emmener aux WC avec elle, à tenir des propos équivoques en lui donnant son bain, et à le prendre dans son lit, au point d'inquiéter Max Graf, qui a pensé que les troubles de l'enfant pouvaient résulter en partie des comportements de sa mère (Freud, 1909, p. 105). Rita Frankiel insiste sur les stimulations excessives et inadéquates exercées sur "Hans" par sa mère, parlant d'exhibitionnisme et de séduction (Frankiel, 1992, pp. 325-326, 330). Le fait est que l'enfant n'a cessé de tendre des perches à son père et à Freud, en insistant pour que les comportements inadéquats de sa mère soient signalés au "Professeur" (voir Mahony, 1993). Mais dans le récit de Freud, c'est à l'enfant, que sont régulièrement attribués des comportements "séducteurs". Rappelons également que "Hans" était fréquemment menacé par sa mère d'être abandonné, châtié physiquement, et même mutilé (Freud, 1909, pp. 115, 122, 150). John Bowlby (1978) a bien relevé la profonde insécurité de "Hans" dans son attachement anxieux à sa mère.

Quant à Freud (1909, p. 94), il évoquait une éducation sans contrainte excessive, "loin de toute intimidation"...

Voici maintenant ce que nous apprend Max Graf à propos de la mère de "Hans". Selon lui, la grossesse et l'accouchement de sa femme se sont déroulés normalement. Il s'agissait en fait d'une deuxième grossesse. En effet, après environ deux ans de mariage [soit vers 1900-1901], Olga Graf avait fait une "môle" 36. Quant au "petit Hans", il est né à la maison et a été nourri au sein pendant environ quatre mois. Max Graf ne se souvient pas comment son fils a appris à marcher et parler. Tout ce qu'il peut dire, c'est que c'était un enfant très gai. Max Graf en était d'ailleurs surpris. Il nous apprend en effet que la mère de "Hans" ne s'occupait pas beaucoup de lui. Selon Max Graf, son épouse était égocentrique, hystérique. Ce n'est pas qu'elle ait délaissé son fils, ni qu'elle ait été déprimée. Simplement, il ne peut pas dire qu'elle s'en soit vraiment occupé, comme une mère s'occupe de son enfant, mais elle ne l'aurait pas négligé pour autant37. Max Graf précise que pendant un certain temps, avant la phobie, il avait envoyé "Hans" chez ses propres parents à Lainz, sa mère aimant beaucoup l'enfant. Il y allait d'ailleurs chaque dimanche avec lui. (Archives Balint, pp. 27-28, 30-32, 39; Bloc-Notes, pp. 136-139, 143).

Dans son récit de cas, Freud (1909, p. 109) prend ouvertement "le parti de la mère de Hans, si bonne et si dévouée"...

La soeur du "petit Hans"

C'est un autre destin tragique qui va maintenant apparaître. Max Graf nous apprend en effet que la petite Hanna a été rejetée par sa mère dès sa naissance38. Quand on lui a apporté le bébé, elle l'a repoussé. Max Graf dit cette fois clairement que sa femme ne s'est pas comportée d'une manière adéquate avec cette enfant. Selon lui, son épouse en était jalouse parce qu'elle était une fille, et il suppose qu'elle aurait peut-être voulu un deuxième garçon. Ce n'est pas que la mère ait été déprimée suite à cette naissance: elle n'a jamais vécu en bonne harmonie avec sa fille. Max Graf pense qu'Hanna a été nourrie au biberon, et non au sein. On notera au passage qu'il a oublié la date de naissance de sa fille, alors qu'il se souvient parfaitement de celle de son fils. Interrogé sur l'état psychique de sa femme pendant cette deuxième grossesse, Max Graf déclare qu'il n'y avait rien d'anormal. Les états dépressifs de sa femme survenaient toujours après un rapport sexuel: après chaque relation sexuelle, un accès survenait, tôt le matin. Max Graf affirme que son épouse avait voulu avoir ses deux enfants, même si ensuite elle n'en a pas voulu davantage. (Archives Balint, pp. 29, 32, 44-46; Bloc-Notes, pp. 137, 139, 147).

Selon Max Graf, Hanna était plus intelligente que son frère. Elle est devenue une jeune femme non seulement belle, mais aussi intelligente et bonne. Et pourtant, elle souffrait selon son père d'un certain sentiment d'infériorité. Elle aurait voulu faire des études, mais trouvait qu'il n'y avait de l'argent que pour les études de son frère, et pas pour elle. Un jour, son père lui a demandé ce qu'elle voulait devenir plus tard. Elle a répondu qu'elle voulait devenir une "Frau Doktor". Son père lui ayant fait remarquer qu'elle devrait alors aller à l'université, Hanna a répondu que non: elle voulait épouser un docteur ! Elle n'a finalement pas fait d'études, et a travaillé dans une maison d'édition à Vienne. (Archives Balint, pp. 48-50; Bloc-Notes, pp. 148-149).

Quant à la vie sentimentale d'Hanna Graf, elle fut désastreuse. Hanna a fait un mariage malheureux qui a abouti à une séparation. Vers l'âge de vingt-deux ans, elle s'était en effet éprise d'un jeune Russe, qu'elle avait ensuite épousé. Ce jeune homme, qui avait été officier dans l'armée russe, avait quitté son pays pour travailler comme briqueteur à Vienne. Comme il avait une belle voix, Hanna lui a fait donner une formation de chanteur à l'Académie. Il a ensuite été engagé à l'Opéra de Graz, où il a fini par devenir metteur en scène d'opéras 39. Il n'est apparemment pas né d'enfants de ce mariage 40. Après la séparation, Hanna "est tombée sur un homme avec lequel elle a vécu comme avec celui dont elle avait divorcé"41. Selon Max Graf, cela [on ne sait pas vraiment quoi] a été décisif en ce qui concerne le destin d'Hanna. (Archives Balint, pp. 22, 49-50; Bloc-Notes, pp. 133, 148-149).

On savait déjà qu'Hanna Graf était morte pendant la deuxième guerre mondiale42, mais on ignorait où, et dans quelles circonstances. Etant née en 1906, elle avait alors moins de quarante ans. Son père nous apprend que c'est aux Etats-Unis qu'elle est décédée. Hanna Graf s'est suicidée. (Archives Balint, p. 22; Bloc-Notes, p. 133).

L'enfance du "petit Hans" revisitée

Si l'on regroupe les données historiques présentées ici au sujet du "petit Hans", nous voyons se dessiner un portrait qui ne ressemble guère à celui que Freud avait présenté dans son étude de cas. Ce n'est en effet plus un jeune garçon ordinaire et joyeux que nous avons maintenant sous les yeux, mais un enfant marqué par les aléas d'une constellation familiale bien particulière.

Le "petit Hans" a été conçu dans l'espoir de réparer une relation de couple défectueuse. Dans l'imaginaire de son père, Herbert Graf était toutefois bien peu le fils d'Olga Hoenig. Il était plutôt celui de la bien-aimée cousine Hedwig, qui avait inspiré le choix de son prénom.

Nous pouvons constater également que Max Graf était resté très proche de sa propre mère, laquelle était aussi la cousine de son père, et que le "petit Hans" semble avoir trouvé plus d'affection auprès de cette grand-mère qu'auprès de sa propre mère. Herbert Graf a grandi dans un climat que l'on pourrait qualifier "d'incestuel"43. Sur trois générations, ses ascendants masculins se sont épris de leur cousine, sa mère avait des comportements équivoques à son égard, et son père a fini par épouser une jeune femme qui avait le même âge que sa propre fille.

Les morts tragiques survenues dans la fratrie de la mère du "petit Hans" semblent par ailleurs avoir fait l'objet d'un non-dit. Une problématique relevant du "secret de famille" pourrait être évoquée à ce propos. Max Graf a certes été un père attentif et affectueux (cela ressort de tous les textes) mais, n'ayant pas bénéficié lui-même d'un modèle paternel sécurisant, on ne saurait affirmer qu'il a pu offrir à son fils les repères, la force et l'appui dont il avait besoin dans un tel contexte familial.

Voyons maintenant ce que l'avenir a réservé au "petit Hans".

Le "grand Hans"

Fils d'un musicologue, parrainé par Gustav Mahler, Herbert Graf a fait une carrière internationale dans le monde musical. Après avoir obtenu un doctorat en philosophie axé sur l'histoire de la musique, il a fait ses débuts en tant que chanteur lyrique. Il est ensuite devenu metteur en scène d'opéras, préférant l'ombre à la lumière. Herbert Graf a raconté les étapes de sa carrière dans un article intitulé "Mémoires d'un homme invisible" (Graf, 1972) 44, exposé fort modeste dans lequel il insiste beaucoup sur ses échecs et bévues, idéalisant en revanche son père et ses maîtres musicaux. Dans ce texte, sa mère brille par son absence.

Ayant longuement séjourné aux Etats-Unis dans les années trente, Herbert Graf deviendra citoyen américain en 194345. Après les années de guerre, il reviendra en Europe et voyagera beaucoup, avant de s'installer en Suisse au début des années soixante 46. Herbert Graf s'est marié deux fois, en 1927 et 1966. En 1933, il a eu un fils de son premier mariage, et par la suite une fille de sa deuxième union. 47 Il décédera à Genève d'un cancer le 5 avril 1973. 48

Il est naturellement intéressant de savoir ce qu'est devenu le "petit Hans" en ce qui concerne son évolution psychologique. Max Graf nous dit que les revues médicales de l'époque avaient publié des pronostics pessimistes quant à l'avenir d'un enfant "gravement névrosé". De plus, "que l'on ait psychanalysé un enfant de quatre ans paraissait chose monstrueuse" 49. Satisfait quant à lui de l'évolution de son fils, Max Graf a suggéré à ce dernier, lorsqu'il entra dans le monde artistique en 1918, d'aller trouver Freud pour lui montrer qu'il était devenu quelqu'un de bien. Herbert est alors allé voir Freud qui, selon Max Graf, se montra très intéressé en constatant le succès de ce traitement50. Il avait d'ailleurs déjà prédit, à l'époque de la phobie des chevaux, que ce garçon voudrait un jour servir dans la cavalerie ! Max Graf tient à préciser que cette intéressante prophétie ne s'est pas réalisée... Après que son fils eut été chaleureusement accueilli par Freud, Max Graf a lui-même voulu revoir ce dernier, pour lui parler de "Hans". Mais il a été mal reçu. Freud s'est montré peu aimable, et fermé au dialogue, lui reprochant amèrement sa défection de la Société Psychanalytique. (Archives Balint, pp. 14-15; Bloc-Notes, pp. 129-130).

Le succès thérapeutique évoqué ci-dessus mérite sans doute d'être relativisé. En effet, Max Graf, en 1952, a fini par déclarer à Kurt Eissler qu'il aurait beaucoup de choses à dire sur son fils adulte, des choses qui n'entreraient certainement pas dans le schéma de la normalité. Mais il n'a pas voulu en dire plus sans la permission de son fils, leur relation étant très bonne. Max Graf craignant en outre que ses propos ne deviennent publics, tout ce qu'il a encore accepté de dire, c'est que, quand Herbert a lu le récit de son cas, ça lui a fait une grosse impression. Il a dit à son père qu'il lui était très reconnaissant d'avoir ainsi pris les choses en main. (Archives Balint, pp. 52-54; Bloc-Notes, pp. 150-151).

Le psychanalyste genevois Mario Cifali affirme avec insistance que le "petit Hans" n'a jamais été guéri, contrairement à ce que déclarait Freud: "Nous savons qu'il n'y eut jamais de guérison en profondeur pour Herbert Graf. Tout au plus une résorption superficielle, avec un déplacement du symptôme". Herbert Graf serait devenu un adulte "particulièrement glouton, pour parer à son angoisse et à sa crainte", et aurait eu recours à "des mesures d'évitement, dans des situations conflictuelles qui lui rappelaient l'opposition d'une femme lui tenant tête". Sa mort aurait en outre été précipitée par un accident qui n'était pas étranger à son symptôme. (Cifali, 1998, pp. 35, 53, 72, 89-90).

Conclusions

Freud s'est appuyé sur le cas du "petit Hans" pour démontrer le bien-fondé de sa théorie de la sexualité infantile, tout comme il avait probablement cherché dans le cas de sa patiente Olga Hoenig des éléments susceptibles de valider sa théorie dite de la séduction. Ces deux théories successives n'étaient pas issues de l'expérience clinique de Freud, comme on le croit encore trop fréquemment. Les fondements théoriques fragiles et la méthodologie discutable de Freud ont fait l'objet de nombreux travaux, très édifiants quant à la validité de l'édifice théorique freudien.51

En ce qui concerne plus précisément les présentations de cas de Freud, les recherches historiques et épistémologiques effectuées ces dernières années ont en outre montré qu'elles pouvaient être tendancieuses, Freud cherchant régulièrement, au moyen de diverses distorsions, à faire en sorte que les faits collent à la théorie 52. Patrick Mahony a par exemple effectué une comparaison entre les notes personnelles de Freud et le texte qu'il a publié au sujet de "l'homme aux rats". Il en ressort que "les faits ont été sérieusement manipulés sur des points essentiels [...]. En d'autres termes, Freud a déformé la vérité; il a menti. L'utilité clinique du cas en diminue d'autant, à la mesure des importantes distorsions historiques." (Mahony, 1999, p. 126).

Dans le cas du "petit Hans", les distorsions se manifestent surtout sous la forme d'omissions, de non-dits, quant à des faits qui pourraient offrir un éclairage important pour la compréhension du cas, mais qui affaibliraient la thèse du "complexe d'Oedipe" soutenue par Freud. Parmi les éléments passés sous silence, on peut citer la complexité de la constellation familiale, la personnalité et le passé tragique de la mère de "Hans", ainsi que la mésentente conjugale du couple Graf, jamais mentionnée explicitement. Tout le climat affectif et relationnel dans lequel l'enfant a grandi nous est ainsi présenté sous un jour qui ne correspond pas à la réalité. Notons que Peter Rudnytsky (1998, p. 181), qui a eu accès à l'interview de Max Graf par Kurt Eissler (Archives Balint), évoque lui aussi "les distorsions introduites par Freud dans le cas du petit Hans en raison de ses présupposés théoriques".

On peut également s'interroger sur la compréhension que Freud pouvait avoir de ses patients sur le plan psychologique, ou même tout simplement humain, au vu des erreurs d'appréciation dont il était coutumier. On peut en relever plusieurs dans les données présentées ici: Freud est persuadé que le mariage de Max Graf et Olga Hoenig sera heureux; il estime que le "petit Hans" a bénéficié d'une éducation clémente et adéquate, et il considère qu'Olga Hoenig était une excellente mère. Son pronostic optimiste quant à l'avenir du "petit Hans" découle logiquement de ces prémisses, pour le moins discutables.

Que dire enfin de l'affirmation suivante, émise au sujet du "petit Hans":

"Il est vraiment un petit Oedipe, qui voudrait 'mettre de côté' son père, s'en débarrasser, afin d'être seul avec sa jolie maman, afin de coucher avec elle" (Freud, 1909, p. 172) ?

Au vu de tout ce qui précède, on ne peut qu'admettre, avec Joanne Wile (1980, p. 137), que le cas du "petit Hans" n'est pas un argument des plus convaincants en faveur de la théorie freudienne du complexe d'Oedipe. Comme l'a fait remarquer Peter Rudnytsky (1998, p. 180), on ne peut non plus "nier l'insensibilité de Freud aux preuves empiriques qui contredisaient ses vues théoriques".

Il apparaît donc que le cas du "petit Hans" a été considérablement obscurci par son narrateur. J'espère que les données historiques présentées ici permettront de l'éclairer quelque peu, tant sur le plan clinique que sur le plan théorique.

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Chronologie

1873 : 1er octobre: naissance de Max Graf à Vienne.

1877 : 2 octobre: naissance d'Olga Hoenig.

1896 : Max Graf est Docteur en Droit.

1897 : Traitement d'Olga Hoenig par Freud ?

1898 : 20 décembre: mariage d'Olga Hoenig et Max Graf.

1899 : 4 novembre: parution de "L'interprétation des rêves", antidatée de 1900.

1900 : Parution officielle de "L'interprétation des rêves".

Selon Max Graf, mariage avec Olga Hoenig et rencontre avec Freud (date erronée).

1902 : Début des "Réunions du mercredi", auxquelles Max Graf participe.

1903 : 10 avril: naissance d'Herbert Graf à Vienne.

1906 : Début des communications de Max Graf à Freud au sujet de "Hans" (peu avant son 3ème anniversaire).

10 avril: Freud offre au petit Herbert un cheval à bascule pour son 3ème anniversaire (date la plus probable).

4 octobre: naissance d'Hanna Graf, soeur d'Herbert.

Naissance de Polly Bastic, qui deviendra la troisième épouse de Max Graf.

1907 : La famille Graf déménage au début de l'année.

1908 : Janvier: début de la phobie des chevaux du "petit Hans".

30 mars: le "petit Hans" rend visite à Freud dans son cabinet.

2 mai: fin de "l'analyse" du "petit Hans", déclaré guéri de sa phobie.

3 juin: décès à Vienne de Josef Graf, père de Max Graf.

1909 : Freud publie le cas du "petit Hans".

27 novembre: décès à Vienne de Regine Graf, mère de Max Graf.

1910 : 2 février: Freud mentionne dans une lettre à Jung que Max Graf a "analysé" son épouse après l'analyse de "Hans".

Freud perd de vue le "petit Hans".

1912 : Max Graf assiste à une dernière "réunion du mercredi".

Freud perd le contact avec la famille Graf.

1920 : 30 septembre: divorce du couple Graf.

20 octobre: Olga Graf se remarie avec Franz-Josef Brychta.

17 novembre (?): Max Graf se remarie avec Rosa Zentner, artiste lyrique.

1922 : Printemps: Herbert Graf rend visite à Freud.

1925 : Herbert Graf fait ses débuts de chanteur lyrique à l'Opéra de Münster.

1927 : Premier mariage d'Herbert Graf.

1929 : Troisième mariage de Max Graf, avec Polly Bastic, artiste lyrique.

1930 : Premier voyage d'Herbert Graf aux Etats-Unis.

1933 : Naissance du fils d'Herbert Graf.

1936 : Herbert Graf est sous contrat avec le Metropolitan Opera de New York.

1938 : Max Graf émigre aux Etats-Unis.

1939-45 : Herbert Graf passe les années de guerre aux Etats-Unis.

Hanna Graf se suicide aux Etats-Unis.

1942 : Max Graf publie "Réminiscences sur le professeur Sigmund Freud".

1943 : Herbert Graf devient citoyen américain.

1947 : Max Graf retourne à Vienne.

1952 : 16 décembre: Max Graf est interviewé par Kurt Eissler.

1957 : Max Graf publie "Jede Stunde war erfüllt".

1958 : 24 juin: décès de Max Graf à Vienne.

1960 : Herbert Graf est nommé Directeur de l'Opéra de Zürich.

1962 : Herbert Graf démissionne de son poste à Zürich.

1965 : Herbert Graf est nommé Directeur du Grand Théâtre de Genève.

1966 : Deuxième mariage d'Herbert Graf (il en naîtra une fille).

1972 : Herbert Graf publie "Mémoires d'un homme invisible".

1973 : 5 avril: décès d'Herbert Graf à Genève, d'un cancer.

Notes

* Je remercie le Professeur Vincent Barras, le Dr Ernst Falzeder, et le Dr Philip D. Jaffé pour leurs commentaires, qui m'ont permis d'améliorer mon manuscrit.

2 Nom de la mère, années de naissance et de mariage: Sylwan (1978, p. 131). Informations confirmées et complétées par Archives Balint, p. 35, Bloc-Notes, p. 140, et Arbre généalogique. Max Graf situe toutefois son mariage en 1900, ce qui sera examiné plus loin. Les noms "Boenig" et "Koenig ", indiqués respectivement par Stroeken (1987, p. 105) et le Bloc-Notes (1996, p. 140) sont erronés. Ceci m'a été confirmé par une lettre du bureau de l'état civil de Vienne.

3 Arbre généalogique.

4 Arbre généalogique.

5 Mächtlinger (1995, p. 20). L'ordre de cette fratrie reste incertain, mais il semble s'agir de naissances très rapprochées.

6 Date de l'interview de Max Graf par Kurt Eissler.

7 Bloc-Notes, p. 141.

8 Archives Balint, p. 36: "erschossen", traduit par "suicidés" dans le Bloc-Notes, p. 141.

9 Arbre généalogique.

10 Bloc-Notes, p. 141.

11 Sources pour ce paragraphe en l'absence d'autre mention: Archives Balint, pp. 35-37; Bloc-Notes, p. 141. Il faut souligner le fait que les informations fournies par Max Graf ne sont pas toujours limpides.

12 Et non en 1875, comme l'indiquent Nunberg & Federn (1976, p. 28).

13 Arbre généalogique.

14 Sylwan (1978, p. 131), confirmé et complété par Archives Balint, pp. 34, 40; Bloc-Notes, pp. 140, 143 et Arbre généalogique.

15 Archives Balint, p. 40; Bloc-Notes, p. 143 et Arbre généalogique.

16 Nunberg & Federn (1976, p. 382).

17 Archives Balint, pp. 33-34, 39; Bloc-Notes, pp. 140, 143.

18 Arbre généalogique.

19 Arbre généalogique.

20 Sylwan (1978, p. 131). Max Graf a vraisemblablement poursuivi des études au-delà de 1896. Il se pourrait qu'il ait obtenu par la suite un doctorat en lettres, comme le mentionnent Nunberg & Federn (1976, p. 28).

21 Sylwan (1978, p. 131).

22 Ibid.

23 Comparer les deux récits: Graf (1942, pp. 94-95) et Graf (1957, cité par Sylwan, 1978, p. 157).

24 Graf (1957, cité par Sylwan, 1978, p. 157).

25 Cette date m'a été confirmée par la "Israelitische Kultusgemeinde" de Vienne, sur la base du certificat de mariage, qui comporte en outre les noms des deux témoins: Messieurs Levi (prénom illisible) et Jacques Schnitzler.

26 Est-ce le "conflit", ou la "névrose", qui date "du temps où elle était jeune fille" ? L'ambiguïté n'est levée ni par le texte original allemand (G.W., VII, p. 372) ni par la traduction anglaise (S.E., X, pp. 141-142).

27 Mais pas pour lui parler des rêves et de la création artistique, puisque L'interprétation des rêves n'était pas encore parue.

28 Cette dernière déclaration n'est en effet guère plausible. C'est du moins ce qui apparaît lorsque l'on effectue certains recoupements: c'est en mai 1908 que l'enfant a été jugé guéri de sa phobie, et les quatre étages que Freud a dû gravir avec le cheval pour parvenir à l'appartement des Graf correspondent à un appartement occupé jusqu'en 1907, le suivant étant situé au troisième étage. A moins que Max Graf ne se soit trompé en mentionnant avec insistance ces quatre étages, l'enfant semble bien avoir reçu le cheval en avril 1906 pour son troisième anniversaire, soit presque deux ans avant le début de sa phobie, comme Max Graf l'indique dans les textes publiés de son vivant. (Cf. Graf, 1942, p. 99; Sylwan, 1978, p. 134; Archives Balint, p. 43; Bloc-Notes, p. 145).

29 Masson (1985, p. 381).

30 Contrairement à ce qu'il avait affirmé dans ses textes publiés en 1896, Freud n'avait en effet jamais obtenu le moindre succès thérapeutique en faisant appel à ladite théorie, pas plus qu'il n'avait entendu le moindre récit spontané de "séductions" paternelles. Ces "récits" n'ayant très vraisemblablement jamais existé, ils ne pouvaient l'avoir "induit en erreur", comme il le prétendra rétrospectivement (voir les travaux encore trop peu connus de Esterson, 1993, pp. 11-31 et Israëls & Schatzman, 1993).

31 Voir notamment Stroeken (1987, pp. 107, 117, 118) et la très perspicace analyse de Wile (1980, p. 134).

32 Ce qui nous donne une idée des attentes qui pesaient sur Herbert, né après quatre ans et demi de mariage.

33 Le couple a en fait divorcé le 30 septembre 1920 ("Israelitische Kultusgemeinde", Vienne, communication personnelle).

34 Laissons-lui la responsabilité de ce diagnostic...

35 Donc en 1898, année de son mariage.

36 Terme médical défini ainsi: "embryon informe consistant en un simple sac cutané, sans organes distincts [...]" (Bloc-Notes, p. 136).

37 Ces propos quelque peu obscurs pourraient être tenus pour inquiétants au vu de ce qui précède.

38 Le 4 octobre 1906.

39 Comme Herbert Graf, le frère d'Hanna.

40 Le Bloc-Notes (1996, p. 149) mentionne qu'Hanna a eu un enfant d'un deuxième mariage, mais cela concerne en fait le jeune Russe, et non Hanna (cf. Archives Balint, p. 50).

41 Bloc-Notes (1996, p. 133). On notera le côté sybillin de cette déclaration. Les propos peu clairs de Max Graf ne permettent d'ailleurs pas de savoir si un divorce a vraiment été prononcé ou non.

42 Graf (1957, cité par Sylwan, 1978, p. 132).

43 Terme emprunté à Paul Claude Racamier.

44 Voir également Mächtlinger (1995, pp. 12-18) pour des références aux écrits d'Herbert Graf sur l'opéra. La Bibliothèque Musicale de la Ville de Genève dispose par ailleurs de quelques documents relatifs à la carrière d'Herbert Graf, celui-ci ayant occupé la fonction de directeur du Grand Théâtre de Genève de 1966 à 1973.

45 Arbre généalogique.

46 Graf (1972, p. 69).

47 Arbre généalogique.

48 Bergeret (1987, p. 27).

49 Bloc-Notes (1996, p. 129). On notera que la sévérité du cas n'avait pas échappé aux professionnels de l'époque. Quant à Freud (1909, p. 198: épilogue de 1922), il avait abondamment ironisé au sujet de l'indignation du public: "on avait prédit tous les malheurs au pauvre petit garçon, violé dans son innocence en un âge si tendre et victime d'une psychanalyse".

50 Il s'agit en fait très vraisemblablement de la visite qu'Herbert Graf effectua en 1922, et qui a fait l'objet d'un épilogue dans le récit de Freud.

51 Voir notamment Esterson (1993), Israëls & Schatzman (1993), Sulloway (1981), Webster (1998).

52 Rudnytsky (1998, p. 180) le dit assez joliment, évoquant la manière qu'avait Freud "de forcer les faits à s'ajuster au lit de Procuste de ses idées fixes". Pour "L'homme aux rats", "L'homme aux loups", et "Dora", voir Mahony (1991, 1995, 1996). Signalons également les travaux de Swales (1988) pour "Katharina", Israëls (1986) pour "Le Président Schreber", et Borch-Jacobsen (1995) pour le cas de Breuer "Anna O".

 

Bibliographie

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