§1 - La « plaque-tournante » de la phobie.
Entre deux et six ans, les enfants traversent une période plus ou moins longue de cauchemars. Ces terreurs nocturnes sont souvent indéfinissables : une peur de « quelque chose » simpose, avant que lon sache de quoi 1. Et puis, au fur et à mesure que sinstalle la période de latence, les monstres samenuisent, sévaporent enfin. De sorte que le clinicien aura cette idée juste que la phobie est une sorte de plaque-tournante entre refoulement primordial et refoulement secondaire 2. De cette évolution, il pourrait déduire que la phobie est liée à lenfance et que, lorsquelle se maintient ou réapparaît, cest quémerge le vestige dun autre temps. Ce serait oublier que la phobie a évolué, quelle sest diversifiée selon les potentialités de la structure.
Les phobies de lenfance témoignent du moment le plus contradictoire de la construction de ldipe, et cest seulement dans cette occurrence évolutive quelles constituent une entité clinique isolable, quoique pendant peu de temps. Tout aussitôt, elles se prennent dans une structure dont elles ne sont plus quune variable. La phobie fonctionne comme une plaque-tournante, puis devient une partie dun ensemble plus vaste quelle aura aidé à construire. Peut-être réduite à de minuscules entité s, peut-être masquée par de multiples ratiocinations, on retrouvera les phobies dans les psychoses, les névroses ou les perversions. Nimporte quelle forme clinique peut exposer son refoulé soit sous forme de somatisations, soit hors du corps sous forme de phobies (soit dailleurs les deux). Cette potentialité dépend du complexe paternel, qui intéresse à des titres divers toutes les structures 3.
Examinons pour commencer cette « plaque-tournante ». Ce qui angoisse dabord le sujet, cest la façon dont son corps entier est aliéné dans le désir de lAutre maternel. Cet Autre, ou plutôt le manque de cet Autre sera loccasion de la phobie primaire. Avec le manque, lagoraphobie fonctionne comme une « première » phobie, au sens où, à la porte dentrée de la plaque-tournante qui va translater le refoulement primordial en refoulement secondaire, langoisse de la castration maternelle tire le sujet vers un vide dont il a horreur. Ce vide, qui forme larrière-fond de toute phobie, cest langoisse du sujet dêtre aspiré par lidentification à un phallus maternel absent. Cest cette phobie du vide qui se déclenche régressivement dans les névroses, lorsque le père chute de sa place et laisse souvrir linsondable gouffre de la demande maternelle. Lagoraphobie « primaire » est aussitôt incarnée par quelque objet 4. Le symbole phobique cristallise au point même où le signifiant manque. Un vide sans mot déclenche une agoraphobie du corps en situation de basculer dans ce manque, qui laspire vertigineusement. Dans cette angoisse dune chute imminente, une phobie sert dabord de rambarde au corps.
À lorée de la plaque-tournante, sengage à pleine puissance le monstre total de langoisse de la castration maternelle, que langoisse de la castration par le père fait ensuite bifurquer selon les multiples voies fantasmatiques de la séduction ou de la scène primitive, jusquaux fines ramifications de lhystéro-phobie. Au fur et à mesure que le père apparaît comme agent de la castration, cette phobie primaire se dialectise. Le trauma sexuel « du » père, éparpille le monstre dorigine, au point que lon reconnaît à peine les rejetons phobiques dans les papillonnements fantasmatiques de la névrose, à proportion de langoisse 5.
P.L. Assoun a fait remarquer que Freud dégage deux grands ordres de phobies : les phobies de situation, et les phobies dobjet 6. Ces deux ordres retracent le devenir de la plaque-tournante phobique : le corps entier est dabord pris comme phallus maternel, et il néchappe à langoisse quen tombant sous le coup de la castration par le père, qui concerne cette fois-ci le pénis. Langoisse de la castration maternelle ouvre un gouffre, aussitôt déplacé vers lagent de cette castration, un père. Cette angoisse de second ordre abandonne le vide où le corps est pris « en situation » pour sextérioriser en objets phobiques. La phobie de situation concerne le corps dans lespace (qui est toujours celui du grand Autre) et précèdent les phobies dobjet, qui ne les éliminent pas. Elles peuvent réapparaître à des moments dangoisse particuliers. Freud lui-même a souffert de telles phobies de situation régressives, notamment au cours de ses voyages 7.
Les phobies dobjet sélaborent à partir des symboles des traumatismes de lhistoire selon le feuilletage de la névrose infantile, et elles prennent leur régime de croisière à lage adulte. Elles sappuient sur des symboles à multiples connexions (régressives et progressives) et rien nest plus variable par exemple que lorigine des phobies danimaux (Tierphobie). Un animal de légende sort de son récit, ou bien un animal familier se défamiliarise. Il condense plusieurs chaînes, et peut grimper à lui seul les différents degrés de la phobie. Le cheval du Petit Hans, par exemple peut mordre, menaçant davaler le corps tout entier. Il peut tomber, tirer une charrette, symboliser les scénarios qui formalisent langoisse de castration, jusquà représenter le père lui-même, faisant ainsi ressortir « lessence remarquablement diffuse et aussi bien si strictement déterminée de la phobie ». Le cheval est devenu lobjet de prédilection de « lattitude ambivalente envers le père 8». Langoisse de la castration de la mère enclenche lhorlogerie phobique qui, après un tour de cadran, met le père en position dagent de cette castration, selon un nouvel avatar qui utilise le même animal phobique. Au début du « Petit Hans » le cheval est dabord lié à la mère 9, puis il incarne le père.
La dynamique de la phobie va de langoisse du vide à langoisse de « quelque chose » de vivant, qui capitalise plusieurs lignes de pensées contradictoires synchroniquement et diachroniquement. Lobjet phobique est incompréhensible, parce quil fonctionne en même temps sur plusieurs tableaux, allant de laliénation maternelle aux contradictions du complexe paternel. Mais il met ainsi en scène un père violeur qui plonge dans la régression, de sorte que dautre part, son enveloppe formelle pulsionnelle (surtout orale et scopique) remémore langoisse de la castration maternelle. En somme, et tout comme le symptôme, il a un pied dans lenfance, et lautre dans lâge adulte 10.
Pourquoi un certain objet cristallise brusquement en phobie ? Lorsque arrive le moment ou simpose une angoisse de ce qui na pas de nom, ou une contradiction aussi incompréhensible que lamour et la haine, le sujet sabsente de ce dilemme qui le dépasse, et dans ce moment dabsence, le problème se transpose au dehors. « Lui-même » se retranche dune énigme quil ne comprend pas. Le sujet sest lâché lui-même, et se retrouve au-dehors dans ses sensations, qui cristallisent ainsi sur un objet 11. Ce nest donc pas simplement que le sujet opérerait une division pratique entre lamour de son père et la haine projetée sur lobjet phobique. Cest plutôt que lobjet reprend à son compte lensemble du problème posé, et reste aussi incompréhensible que lui 12. Lobjet phobique est donc loin dêtre la simple projection dune représentation angoissante, comme une sorte davant-poste en réalité protecteur. Semblable à limage du rêve au contraire, son oxymore extériorise la réalisation dun désir.
Plus précisément, il angoisse à proportion dun désir refoulé. Ainsi, par exemple, dans Linterprétation des rêves 13, une jeune femme a des désirs de mort refoulés à légard de sa mère. Freud écrit à son propos : « Elle présenta des phobies hystériques; celle qui la tourmentait le plus était lidée quil avait pu arriver quelque chose à sa mère. Où quelle se trouva, elle se précipitait vers la maison pour sassurer que sa mère vivait encore. » Freud nemploie-t-il pas ici le terme de phobie par excès? Car rien ne ressemble à un objet de ce nom dans son exemple. Mais en y réfléchissant mieux, apparaît une caractéristique inapparente dans la plupart des objets phobiques : on discerne mal à quel titre ils réalisent un désir refoulé. La phobie expose la part la plus obscure du désir humain : son masochisme foncier, qui nest nullement ce qui viendrait contrarier le désir, mais le désir lui-même 14.
Langoisse trouve dans lobjet une cause qui la fixe et délimite lespace. La phobie sétage dune phobie primaire à une phobie secondaire qui, lorsquelle régresse, ne retombe pas purement et simplement dans le premier genre, dont elle emprunte seulement la formalisation pulsionnelle (par exemple, un loup paternel, sodomise par dévoration pulsionnelle). On peut généraliser ce constat en montrant que les phobies de ladulte ne sont pas en continuité avec celles de lenfance, ou plus exactement que, une fois passée la fin de ladolescence, il se produit un changement qualitatif irréversible des mêmes matériaux. Cest que le traumatisme sexuel du père devient à ce moment seulement « compréhensible », au sens de la jouissance sexuelle quil comporte, tout du moins. En ce sens, il existe des phobies qui sont propre à ladolescence, comme la phobie du sang, lérythrophobie, les dysmorphophobies, ou des phobies liées aux modifications corporelles. Elles sont liées à lavènement dune jouissance sexuelle totalement différente de celle de lenfance, perverse polymorphe. Quelles que soient leurs enveloppes formelles, elles nen jouent pas moins une répétition générale de laffrontement avec le père, dont le dénouement est parfois incertain.
Il arrive ainsi quune phobie se développe tardivement. Après tout, c est pendant la vie entière que frappent des traumatismes articulés à ceux de lenfance (cest même la définition de la névrose « adulte »). Ce fut le cas de cette jeune femme récemment arrivée en France qui avait été brusquement incapable de conduire sa voiture. À chaque fois quelle prenait le volant, elle avait le sentiment quelle allait mourir dun moment à lautre. Je lui demandais depuis quand elle avait son permis. Depuis plus dun an, répondit-elle et elle y repensait brusquement en le disant, son mari avait été tué quelques jours plus tard dans une action de guérilla. Elle avait toujours pensé que cet homme serait assassiné un jour ou lautre, et sa phobie sétait déclenchée à peu près au moment anniversaire de son décès. Cétait elle, maintenant, qui se sentait menacée de mort imminente, comme si elle payait ainsi sa culpabilité davoir aimé un homme dont elle avait pressenti le destin. Elle lavait murmuré : « oui, je savais quil allait mourir ». Cette « phobie-anniversaire » renvoyait sûrement à dautres évènements de lenfance. Mais le fait est que, sans pousser plus loin linvestigation, elle ny pensait même plus quelques semaines plus tard.
§2 - Quel est le moteur de la plaque-tournante ?
Langoisse de castration ouvre une crise grave, qui subsume lensemble des fantasmes fondamentaux. Résumons les résultats avant de détailler les processus : le rôle dagent de la castration maternelle est dévolu au père, et ce lien violent du père à la mère se représente par la scène primitive. Dans cette scène, le rapport sexuel est léquivalent dune castration, ou plus exactement dune féminisation par sodomie 15. En ce sens, le rôle castrateur du père est entièrement subsumé par sa capacité sexuelle à légard de la mère. Un père « castrateur » nest pas un père menaçant, mais lhomme qui tient sexuellement la mère sous sa coupe 16. Pour lenfant, ce moment de castration de la mère devrait être une délivrance, dabord celle de son identification au phallus. Mais cette délivrance par le père induit en même temps une séduction. Pourquoi cette violence est-elle séduisante pour lenfant ?
« Séduction » veut dire induction du désir sexuel, au moment où plusieurs évènements, de sens contradictoires, tombent en même temps. Avant de les développer, rassemblons en quelques phrases les séquences contradictoires de ce moment. Le lecteur ne va pas comprendre cette condensation dévènements, quil faut pourtant se représenter dabord en une fois, avant de les développer. Que se passe-t-il? Dun côté, il faut en finir avec laliénation insupportable dêtre le phallus maternel, séparation qui se réalise par la jouissance masturbatoire (appropriation du pénis ou du clitoris). Cette jouissance de lorgane génital a comme condition que le père castre la mère sous la forme du rapport sexuel. Cette violence du père, libère la demande de phallus maternelle. La castration de la mère par le père saccompagne dune jouissance masturbatoire : ce plaisir est le moteur de la séduction par le père. Le père séduit, parce que la possibilité même de la jouissance phallique procède de sa violence. Grâce à ses mauvaises manières, une libération sexuelle se fomente, et du même coup il séduit sexuellement. Enfin, dernière conséquence involontaire, cette séduction féminise et elle est par contre coup castratrice (cette fois-ci de lenfant).
Pendant le temps de cette subduction par le père, lenfant est coupable de renoncer à son identification au phallus, de trahir sa mère par cet abandon. Et ce renoncement jouissif saccompagne dune sorte de certitude de la punition : les coups sont attendus, ou plutôt, ils accompagnent ce mouvement. Cest la mère qui devrait administrer cette punition mais, dans la mesure où le père est lagent de la castration maternelle, il capitalise cette violence dautant plus facilement que ce transfert préserve le lien damour de lenfant pour sa mère. Les coups ou les punitions du père introduisent ainsi à la jouissance phallique17. Le père dialectise lérotisme pulsionnel, mais lentrée dans la jouissance phallique au prix de ses coups défalque sa présence de son animalité. Le pulsionnel de la phobie primaire jouait sa mesure en boucle, aussi bien dehors que dedans. Cest sur la trace de ce biface de la pulsion que le père se divise entre amour et exécration, au moment où langoisse de la castration maternelle est dialectisée par langoisse de la castration par le père 18.
En ce sens, une phobie caractéristique aiguille la plaque-tournante des phobies primaires vers les phobies secondaires. Cest la phobie de lobscurité et de la solitude, dont Freud note quelle déclenche lonanisme infantile, qui dans ce cas, nest pas dabord un plaisir, mais un moyen de lutter contre langoisse 19. Tout se passe comme si, dans lobscurité, le corps était confronté à lomniprésence de lAutre, et absolument requis de sidentifier au phallus. Telle est lorigine des terreurs nocturnes devant des monstres dévorants, et la masturbation prend le sens davoir le pénis (ou le clitoris) pour ne plus être le phallus. Langoisse de castration est sexuellement excitante.
Dans lobscurité silencieuse ou dans les grands espaces vertigineux, plus rien ne reflète le corps. Labsence de parole aussi participe de cette perte de substance, car parler reflète 20. La solitude (alleinsein) engendre la masturbation, parfois devant le miroir 21, qui distancie le reflet du phallicisme. Cette phobie est donc caractéristique du passage de la jouissance de lAutre à la jouissance phallique. En même temps, cet onanisme est coupable, puisquil consiste à se dérober à lidentification angélique requise par la mère. Les enfants se cachent de cette activité sans quon leur ai dit quelle était prohibée (langoisse de castration ne résulte daucune menace) et ils craignent par conséquent de perdre lamour maternel. Cest dans ces circonstances que le père est bienvenu pour supporter linterdit à la place de la mère bien-aimée. La phobie sest ainsi translatée sur le père au bénéfice de lamour. Cette scénographie en plusieurs actes du complexe de castration présente une face visible, celle de la « scène primitive » dont le sens sexuel reste une complète énigme, car son évidence jouissive comporte un sens contraire (la punition). La vision dun couple en action est captivante et laisse interdit.
Ainsi de ce jeune homme qui ne supporte pas les guêpes, aiguillon pour lui de la scène primitive, comme on va le voir. Cet insecte se rencontre peu à Paris, mais il y pense pourtant souvent. Chaque fois quil mange un fruit par exemple, ou fortuitement pendant la journée, sil entend un bourdonnement. La guêpe est un organisateur psychique de son quotidien. Dans un rêve, il se trouve seul dans un appartement, et une guêpe pénètre par la fenêtre. Le temps de virevolter dans la pièce, linsecte a pris des proportions énormes au point doccuper presque tout lespace. Loin de sangoisser comme cela lui arrive à létat de veille, il frappe la guêpe avec lune de ses chaussures. Elle tombe alors et se scinde en deux. A ce moment apparaît également dans la pièce sa grand-mère, qui avait - elle aussi - horreur des guêpes. Par quel miracle se trouvait-elle à cet endroit, quil identifie alors comme étant la maison de ses parents dans le midi ?
Cest la question quil se pose dans le rêve, alors quil aperçoit par la fenêtre larrière dune voiture dancien modèle, le coffre grand ouvert, noir et inquiétant. Lorsquil était enfant, il s était un jour coincé les doigts dans le coffre dune voiture semblable à celle-là. Par la suite, un rêve récurrent sétait répété : pendant des années, le même coffre claquait sur sa main. Bizarrement, ce rêve nétait pas apparu tout de suite, mais plus tard, après un accident : il se trouvait cette fois-ci à larrière dune voiture que conduisait son père, sa mère étant à ses côtés. La voiture avait dérapé et heurté un poteau. Il avait été projeté durement en avant, tandis que, selon son souvenir, ses parents sentrechoquaient entre eux. Il napprenait rien de nouveau en se remémorant cette scène, mais il sétonnait aujourdhui de constater que le rêve récurrent du doigt coincé ait débuté seulement après cet accident - c'est-à-dire environ deux ans plus tard. De même quil sétonnait aussi de penser brusquement à une autre scène : il était à larrière dune voiture, vraisemblablement alors quil était adolescent. Pendant un voyage nocturne, un adulte ami de la famille assis à côté de lui avait cherché à lui caresser le sexe.
Peut-être aurait-on déjà pu développer à partir de cette série d associations les traumas qui étaient sans doute cachés derrière les souvenirs-écrans du doigt coincé, de laccident de voiture, et de la séduction. Il nen faut souvent pas beaucoup plus pour commencer à construire les fantasmes de scène primitive et de séduction, dans leur articulation à langoisse de castration. Mais je voulus dabord en savoir davantage sur lénorme guêpe scindée en deux au moment de sa chute. Il ne put dabord pas répondre à cette sollicitation. Tout ce qui lui venait, cétait des souvenirs récents de déjeuner dans le jardin à lautomne, chez ses parents. Ces derniers se moquaient de lui à chaque fois quune guêpe sapprochait. De même, ils lui téléphonaient souvent en disant quils avaient pensé à lui en voyant passer une guêpe. Laiguillon de la guêpe, cétait leur union. Ça y était, il avait trouvé ! La guêpe était le signe de son exclusion par rapport à leur couple. Il comprenait alors ce que la grand-mère était venue faire dans cette aventure onirique. De la rencontre de ses parents, de même dailleurs que de leurs relations intimes, il avait tout appris par la bouche de cette grand-mère, qui commentait avec lui leurs faits et gestes. Cest delle aussi quil avait appris que son père nétait pas vraiment à la hauteur dans un certain domaine. Lequel ? Cétait trop clair. Tout naturellement, sa grand-mère apparaissait au moment de la chute de la guêpe (symbole de lunion des parents) tout comme elle avait invalidé la dimension sexuelle de leur union. Tuer linsecte monstrueux dun coup de chaussure et du même coup prendre son pied - donnait son sens paternel à lanimal phobique, au moment de linvalidation de la virilité du père. Cette phobie de la guêpe fut progressivement oubliée après lanalyse de ce rêve, qui marquait en même temps un tournant dans le travail de deuil du père, décédé peu de mois auparavant. Dun certain point de vue, cette phobie évoque le rêve de lHomme aux Loups, à cause de sa connexion à la scène primitive. La scène de séduction passive y est même plus explicite. En effet, une association se fait avec la tentative sexuelle dun adulte sur le patient alors quil nest certes plus un enfant : mais lindice de séduction passive est là 22.
Le complexe de castration est bien un véritable nid de guêpes, qui articulent les uns aux autres les différents fantasmes fondamentaux. Cest non seulement au fantasme de « lenfant battu » que sarticule la scène primitive, mais à la séduction. Le fantasme de séduction impose lui aussi une épreuve inextricable, puisque la violence du père engendre un désir impossible. La castration fait craindre au phobique les conséquences de son propre désir 23. En effet, le désir voudrait que, sous le coup de cette séduction, lenfant accepte de perdre son genre, sil est un garçon. Ou plus gravement de perdre son existence subjective (la vie) sil est un garçon ou une fille (sous la menace de linceste, qui est une sorte dassassinat sexuel). Que faire ? Aimer le père, ou le tuer après avoir risqué dêtre tué par lui ? La bipartition des fonctions paternelles résulte de cette épreuve. En ce sens, la phobie extériorise la fonction castratrice et séductrice du père et elle nest pas un signifiant, mais la condensation de signifiants contradictoires. 24 La névrose infantile ne peut résoudre le dilemme de la séduction. Elle tourne en rond dans son aporie et senfonce dans ce mouvement vertigineux, tant que le suffixe de la phobie ou de la conversion ne la fait pas entrer dans l espace-temps de la latence.
§3 - Distribution de la phobie dans les névroses.
Une fois embrayée la giration de la plaque-tournante, la phobie cesse dêtre une névrose à part entière. Freud lavait noté dès les débuts de son oeuvre, elle est seulement lune des présentations possibles de lhystérie, oscillant entre hystérie dangoisse et hystérie de conversion 25. A cette dichotomie, il faut encore ajouter une nuance : la névrose obsessionnelle nest quun dialecte de lhystérie, et à ce titre, elle comportera, elle aussi, somatisations et phobies.
Lorsque Freud distingue les hystéries de conversion de lhystérie dangoisse, on pourrait en conclure quil s agit dune opposition entre dehors et dedans. Le refoulement aurait en quelque sorte le choix, soit pour sécrire sur le corps avec le symptôme, soit pour sextérioriser dans lobjet phobique. Ces deux possibilités signifient que le refoulement saccommode aussi bien de la pulsion - telle quelle se somatise, ou - bien telle quelle se supporte au dehors - grâce aux sensations 26. Le symptôme somatique et lobjet phobique se disposent symétriquement, la phobie étant dailleurs plus facile à examiner du fait de son extériorité, dont on peut faire une historique.
Cette bipartition de la localisation montre quil existe une certaine souplesse dans la présentation du refoulement 27. Après tout, il est contingent que la régression se produise sur le bord externe ou interne de la boucle pulsionnelle. En un sens, le corps se trouve tout autant à lintérieur quà lextérieur du point de vue psychique. Le symptôme et lobjet phobique ont donc à cet égard la même structure dinterdit de la jouissance, actualisé soit par la douleur physique, soit par langoisse de lobjet. On pensera alors que, au hasard des événements de lhistoire, langoisse se fixe sur un objet extérieur ou sur une fonction organique. Le corps de jouissance se bâtit entre un « extérieur » phobique et un « intérieur » symptomatique. Cette fabrication du corps sappuie sur des événements qui sont peut être dabord contingents, mais deviennent ensuite des symboles qui servent de base régressive au symptôme ou à la phobie.
Cependant, il est toujours inconfortable de penser que des formes cliniques seraient le fruit du hasard. En y regardant mieux, on distingue des critères de répartition, car le degré dérogènéisation du corps dépend pour beaucoup des avatars du complexe dOedipe. Dans la névrose ordinaire, c'est-à-dire lhystérie, le fantasme est équilibré par le désir du père. Le génitif laisse dans lindétermination le sujet et lobjet. Est-ce le père qui désire la fille (ou le fils féminisé); ou bien nest-ce pas plutôt le contraire ? A cette équivoque, se rajoute une contradiction encore plus lourde : désirer le père, cest accepter une féminisation aux conséquences incestueuses, donc psychiquement mortelles. Le traumatisme de la séduction procède de cette double équivoque, si profonde et si contradictoire quelle ne peut accéder à la conscience. Si grande est la violence du désir que le sujet ne sait plus quil désire, ou plutôt il reconnaît si bien son tourmenteur quil ne souhaite quune chose : cest quil disparaisse, quil sefface. De sorte que seule demeure lillusion dun pur désir. On la dit : le complexe incompréhensible du père se scinde ainsi entre désir et détestation. La duplicité du fantasme est telle que, finalement, le Janus paternel disjoint ses deux moitiés : la partie détestée engendre la phobie.
Il existe un équilibre instable du génitif fantasmatique. Le traumatisme sexuel est purement « subjectif », lorsque pas un mouvement de la chair ne le déséquilibre. En revanche, le traumatisme devient « objectif », lorsque des gestes de séduction effectifs déséquilibrent le génitif du fantasme. Plus la séduction effective aura eu dintensité, plus le complexe paternel se scindera en figures phobiques : celles quil faudrait tuer, neut été lamour. Au fur et à mesure quune séduction dabord seulement psychique se traduit par des actes, léquivoque du génitif du « désir du père » samenuise. De sorte que la fille ou le fils voit samoindrir sa latitude de désirer, et cela à proportion de sa certitude grandissante dêtre désiré(e). Le désir dont léquivoque sabolit seffondre en lui-même : son sujet sobjective et se dépersonnalise sous le coup dune séduction réalisée, donnant sa dimension dramatique aux incestes effectifs.
Lhystérie est une névrose métastable 28 : elle ne connaît un moment de repos que lorsque le génitif de la séduction séquilibre. Le plus souvent, il vacille entre la séduction exercée par le père ou celle que la fille veut exercer sur le père, dangereuse au moindre signe de succès. La ligne de partage entre phobie et conversion reste ainsi incertaine 29. Car, au moindre signe dintérêt du père, le fléau de la séduction sabat. Tant que la fille désire en vain, la conversion garde lavantage. La séduction impossible stabilise le corps hystérique : le père vivant, qui na pas bougé dun cil au moment de la séduction, laisse à sa fille toute la responsabilité de son désir, et toute sa culpabilité du meurtre fantasmatique qui en résulte. Une jouissance peccamineuse viendra dans cette mesure marquer son corps, désormais lieu de renaissance du père avec les symptômes. Le conflit oedipien arrive à son point le plus aigu, lorsque le vu parricide engendre une telle culpabilité que le sujet renonce à ce pourquoi il a eu ce fantasme de mort. En ce cas, la jouissance refoulée fait retour au niveau du corps, lesté de quelque façon par le symptôme.
Lorsquune séduction objective triomphe au contraire, elle entraîne une chute régressive, et la phobie extériorise l angoisse. Le système régresse dès que le père montre un signe dintérêt sexuel pour sa fille. Aussitôt séduit, aussitôt évaporé : lespace-temps se déstabilise selon le decrescendo vertigineux dun corps qui ne se tient plus lui-même, dabord happé par un vide, première forme régressive de la phobie, puis le rapt du corps, son déplacement, dans lavion, le train, lascenseur, etc. Le « transport » délocalise le corps délesté de sa jouissance 30. Dans ses premières conceptions, Freud considère lagoraphobie de ce point de vue régressif : il la compare à un refoulement de la prostitution 31. La prostituée soffre à tous les hommes : donc à son père. Et derrière ce père déchu souvre le gouffre de la rue. Le fantasme de prostitution est en quelque sorte lissue de secours de lagoraphobie 32. Pour ses débuts, Freud tire au canon, et il donne tout de suite un sens sexuel à des phobies du vide qui en semble pourtant bien éloigné. Ainsi de « la peur de se jeter par la fenêtre » réduite à : « aller à la fenêtre pour faire signe à un homme comme le ferait une prostituée » 33. Cest là installer lagoraphobie dans la névrose, alors quil existe aussi dans les psychoses une angoisse et un attrait du vide, explicite par exemple dans ce type de suicide ou le corps se rejoint au travers dune fenêtre.
Freud a maintenu la relation de la phobie du vide à langoisse de castration tout au long de son uvre, cette phobie « primaire » 34. est articulée à langoisse de castration par le père. Ainsi, toujours dans Inhibition, Symptôme, Angoisse, un jeune homme agoraphobe craignait par-dessus tout les avances des prostituées et den être puni par une infection syphilitique. Labsence du père, résultat du vu de mort du névrosé, se réalise dans langoisse de la prostituée (femme fantasmatique du père) et la punition de ce meurtre se traduit par la phobie de linfection. Le père est absenté (mort) mais il revit dans le symptôme.
La double face de lobjet phobique des névroses correspond à ces deux tranchants du complexe paternel : ou bien aimer le père, et dans ce cas risquer la sodomie. Ou bien léliminer, et dans ce cas son absence enclenche une chute en abîme régressive. Le phobique est en quelque sorte coincé entre ces deux lames. Les schématisations habituelles du complexe ddipe considèrent seulement son résultat, et ne permettent pas de comprendre facilement ce coinçage. Le premier temps du complexe met le sujet en position sexuellement passive par rapport au père. Lamour du père, cest trop damour qui vire à la haine parricide. Lamour, c'est-à-dire ce dont la jouissance du corps est attendue, est ainsi vissée à ce corps par la culpabilité. La culpabilité subjective et domicilie une jouissance qui, sans elle, finirait dehors. On comprend mieux maintenant lérotisation grâce aux coups du père. Le père frappe du seul fait dailleurs que sa présence soit privilégiée par la mère sa présence est « frappante », au sens où en sa proximité, les manigances de la relation mère enfant passent au second plan. Ces « coups » bizarres font ainsi tomber la tunique de Nessus de lidentification phallique : de sorte que lérotisation du pénis (ou du clitoris) prévaut désormais sur celle du corps comme phallus. Cet érotisme incestueux par rapport au père est lourd dune mort davant la vie, et cette mort se retourne en phobie contre ce monstre mort, au mieux relayée par un vu parricide, pour être enfin refoulée. Conséquence de cet amour, la haine du père resurgit scindée à lextérieur, chronique 35 .
Langoisse de castration par le père ne résulte nullement dune menace qui aurait été proférée par lui, mais du désir qui lui est porté, c'est-à-dire de la crainte dêtre féminisé par ce désir. La personne du père est ainsi divisée en deux figures, dont celle qui castre est rejetée au-dehors dans lanimal phobique : il naît dun double retournement : retournement à lextérieur, et renversement de lamour en son contraire. Le sentiment tendre fait retour sous forme dune peur d être agressé par un substitut du père.
Remarquons maintenant le renforcement qui sopère dans la névrose obsessionnelle. Au contraire de lhystérie, si un sujet a un doute sur la virilité de son père (pour sa mère) il devra sinventer en supplément du père quil a, un père interdicteur, et dans sa suite un objet phobique. Le dialecte obsessionnel est plus ou moins important selon le niveau du doute. Plus le sujet affrontera un père qui lui permettra dactiver son fantasme parricide, plus le sujet sappropriera son corps, qui sera désormais le lieu privilégié du symptôme (au-dedans). Et moins le sujet aura face à lui un père qui soit un homme (pour sa mère) moins la jouissance sera appropriée à son corps : lobjet phobique le limitera alors du dehors. Avec des exemples de premier plan comme ceux de lhomme aux loups ou lhomme aux rats, il nest nul besoin de montrer limportance des phobies dans lobsession, ni leur relation à un père dont la violence fantasmée est proportionnelle à la débilité du père de la réalité. Et si lhystérique est plus douée pour les conversions, cest que son père, dans son rapport à sa mère, ne lui fit pas défaut côté privation. 36
Cette absence dun père érotiquement lié à la mère peut sextérioriser dans de multiples figures. Par exemple, lorsque le père va courir ailleurs et que la mère se console avec lenfant. Ou encore, lorsque ce père se comporte comme un rival jaloux du fils, c'est-à-dire comme un enfant. Une configuration est suffisamment fréquente pour être soulignée : elle se produit lorsquune mère a des gestes séducteurs à légard de son fils ou de sa fille (ils sont attirés dans son lit, sa baignoire, les WC, etc.) Le geste incestueux peut être le fait dun père, mais il peut être aussi accompli par la mère et, dans les deux cas, la figure du père se scindera en rejetons phobiques, soit directement, soit indirectement. En effet, lorsque le père séduit directement (dans lhystérie) sa figure se scinde aussitôt entre celle du vivant et celle du mort (selon le vu parricide). Et lorsque la séduction sexuelle vient de la mère (dans lobsession), il faut inventer le père qui aurait du linterdire. Un père mythique encore plus terrible est alors fantasmé, de sorte que les phobies de la névrose obsessionnelle sont souvent plus contraignantes que celles de lhystérophobie. On aperçoit ainsi la différence entre la phobie hystérique et la phobie obsessionnelle.
Un jeune garçon ne pouvait plus aller à lécole depuis deux bonnes années. Chaque fois quil essayait, de fortes angoisses se déclenchaient. Rien ny avait fait : médicaments, rééducation comportementale et même une hospitalisation. Il avait pu prendre des cours particuliers, qui lui réussissaient bien, dailleurs. À son premier rendez-vous, il mapprit quil avait eu beaucoup daffection trois ans plus tôt, (en CM2) pour son professeur principal. Mais ce dernier avait été brutalement incarcéré sur une rumeur de pédophilie. Il semble que ce professeur ait seulement gardé un enfant perdu, le temps que ses parents soient retrouvés. Pourtant, il nen avait pas fallu plus pour quun juge le fasse mettre 24 heures au dépôt. La suite était prévisible : le professeur avait dû changer de quartier et de lieu de travail. La phobie scolaire de mon jeune patient sétait manifestée ensuite et son ressort me semblait clair : la menace dun lien sexuel avec un adulte était refoulée par lamour pour lui. La phobie avait résulté de cette division, mavait-il semblé. Pourtant, le jeune homme me fit remarquer que ses angoisses ne sétaient déclenchées que six mois plus tard. Que sétait-il donc passé pendant cette période ? La famille de son meilleur ami était partie à létranger, et lami avait été hébergé quelques mois chez lui, le temps dêtre suspecté par sa mère davoir volé, et dêtre finalement renvoyé de la maison. Cest seulement suite au renvoi que la phobie sétait déclenchée. Le même signifiant « renvoi » avait valu pour deux situations distinctes, toutes deux soldées par linvalidation dun homme (ou dun garçon) aimé. Dans la deuxième occurrence, la mère avait été linstigatrice du « renvoi » et elle était devenue ainsi léquivalent de linstitution scolaire, qui avait rejeté injustement le professeur aimé. Le recouvrement de lécole par la mère avait validé le type de division de lhomme et du père qui amène une extériorisation de langoisse de castration dans un objet phobique (selon un prolégomène assez courant de la névrose obsessionnelle).
Lhystérique na pas comme lobsessionnel à faire vivre un père toujours déjà mort (dans le désir sexuel de sa mère) et son problème est exactement inverse : il consiste à tuer un père trop vivant. Les objets phobiques seront donc plutôt ceux qui lui permettraient de réaliser un meurtre ou un suicide. Selon le versant de la névrose, les objets phobiques ont donc une disposition opposée, bien que les invariants soient les mêmes. La phobie de lobsessionnel se centre sur une animalité castratrice du père (un rat, un loup). Celle de lhystérique sur lenfant du père : la vermine, les petits animaux, la saleté ou sur les armes qui pourraient tuer le père 37. Orientée selon les inflexions de la structure, la phobie connaît ainsi plusieurs formes, de la phobie dimpulsion, propulsée par la haine, à la phobie de répulsion, commandée par la culpabilité de cette haine, à la lutte contraphobique étayée par les rationalisations ou même par le savoir scientifique 38.
§4 - Le Totem avale la phobie, et le nom digère le Totem.
Au plus fort de sa puissance, le monstre phobique capitalise les symboles successifs dont il provient. Il est lourd dun passé quil renie, mais qui continue de le travailler. Et, en supplément, il comporte les contradictions propres à son dernier avatar. Inextricable et armé dans toutes les directions, il semble fait pour durer. Et puis soudain, on perd sa trace : la phobie est guérie, pensera-t-on, sans se douter des liens quelle a tissé avec le Totem, ce véritable nom du sujet, plus vrai que son patronyme (auquel il sidentifie finalement, pour peu que sa mère y consente). La crise insurmontable de la castration se résout dans un autre registre, grâce à la prise du nom. Elle ouvre dautres problèmes, solubles dans laction.
On la rappelé, « angoisse de castration » signifie dabord être avalé par le vide de lAutre, puis subir une sorte de sodomie paternelle, et cest le seul sens du rapport sexuel dans la sexualité infantile. Mais ce père violeur né de l amour ne parvient jamais à ses fins : il tombe en route. Il meurt du désir en voie de réalisation, puisque le coït paternel le déchoit aussitôt de sa fonction de père. « Fantasme parricide » est une expression un peu grandiloquente qui entraîne souvent des réticences. Elle est plus claire lorsquelle est articulée au désir sexuel lui-même (par exemple à lorgasme). Le père meurt par les armes qui le firent vainqueur. Moment dune chute qui est aussitôt régression dans lespace pulsionnel maternel - jouissance du corps si l on veut, mais seulement jusquà un certain point - chute jusquà la dévoration dans les bras de Chronos, du diable à mamelle. La phobie oscille ainsi entre la dévoration, et le regard qui reconstitue la scène phobique elle-même 39. Rien nillustre mieux un tel contenu que les strates du complexe de castration. Et comme cette situation, pourtant source de jouissance, met la vie en danger, (linceste avec le père, cest mourir davant sa vie) elle est retournée en vu parricide. Si le sujet y arrive ! La métamorphose de la bestialité du père en animal phobique est en quelque sorte un préliminaire de son exécution. Lobjet phobique est en ce sens un Totem du père sexuel. Ce père totémique trouve son appui, moins sur le papa de la réalité, que sur sa défaillance, incarnée en un monstrueux contraire de surpuissance. Lanimal élu de la phobie, source dangoisse, lest aussi de la vindicte. Et comme cette haine représente le vu parricide déplacé dehors sur la part castratrice du père, lanimal phobique est ainsi raccordé au Totem 40.
Ce ne sont pas les rituels religieux ou guerriers qui suffisent à exorciser ce Totem, car il naît au plus intime du sujet. A dire vrai, il sagit de la certitude du sujet lui-même. Car quest-ce quun sujet, sinon cette existence qui saffirme presque malgré elle, de ne trouver nulle solution aux contradictions de son désir? Le « sujet » est dabord celui du désir, celui dune existence forcée, en exil de contradictions sans solution et même informulables. Le Totem phobique symbolise en ce sens lexistence du sujet : il est son premier nom. Et ce totem devenu le nom secret du sujet, va séchanger contre le nom du père quil aime, pour prix de sa culpabilité parricide. Cest grâce à cette caractéristique appellative quil va se résorber, bien mieux que grâce à la liturgie obsessionnelle ou à la geste guerrière. Le nom totémique ne ressemble pourtant pas à son patronyme. Mais ce dernier en a la même valeur, pour peu que sa mère en ait fait le symbole de sa phobie de son propre père. De sorte que ce nom du Totem va se troquer contre un autre à loccasion des dernières passes darmes du complexe ddipe, et cest ainsi que la phobie sévapore, lorsque le sujet sidentifie au père quil supplante. Il a alors échangé le nom de son Totem, qui fut dabord objet phobique, contre celui de son père. À cette condition, il peut prendre le nom qui lui a été donné. 41
Un nom est donné à la plupart des enfants, mais ce nest pas parce quils le reçoivent quils le prennent. Pour cette « prise de nom », un combat avec le père sordonne, et de lissue de cette lutte dépend ladéquation du sujet à son corps de jouissance, comme à la grammaticalité de ses phrases. Les conditions de possibilité de la « prise du nom » ne sont pas toujours réunies, la plus visible dentre elles étant que la mère ait adopté le même Totem (le même nom du père) que celui que va prendre le fils ou la fille. Si ce nest pas le cas, lobjet phobique aura quelques difficultés à se totémiser, son refoulement équivalant à son échange avec le patronyme. Il sagit dun refoulement dans un sens très particulier, car il concerne dabord un échange. Le sujet troque son Totem secret contre le nom patronymique, et à la faveur de cette « père-mutation », la phobie dorigine est oubliée. Par la même occasion, le vu parricide est refoulé, et ne demeure que la forme de reconnaissance du père procédant du don du nom.
Le nom du père porte en lui le fossile phobique (par exemple, en son plus intime, un sujet sappelle « lhomme aux loups » ou « lhomme aux rats »). Puis il échange et donc refoule ce nom contre le nom de son père (son patronyme), et cela, beaucoup plus facilement si sa mère a fait avant lui cette opération. Lobjet phobique soublie au profit du patronyme, à proportion du désir de la mère pour le père. Les noms patronymiques soriginent à lévidence de noms totémiques. Et les noms totémiques, doù viennent-ils ? Ils furent dabord objets phobiques représentants du père castrateur, et à ce titre devenus pure fonction, ils perdirent toute connexion avec quelque chose que ce soit. Le Totem relègue ainsi le monde maternel de la pulsion : il est désormais propre à dénoter un sujet dont la caractéristique existentielle est de rejeter la pulsion. Il ne représente aucune chose en particulier, et en ce sens, il fait trou dans le réel pulsionnel. Un nom propre représente un sujet, qui saffirme dabord en niant quil soit un objet.
La phobie montre un symbole, dabord celui du manque dans lAutre - son vide - puis symbole de ce qui symbolise ce manque - le nom du père. Un symbole est requis lorsque plusieurs significations se recoupent et qu on ne peut exprimer autrement que grâce à lui leur écheveau. Par exemple, une image de rêve est souvent le symbole de plusieurs chaînes de souvenirs. La phobie éclaire en un sens beaucoup plus profond que le rêve la fonction du symbole, qui nest pas un signifiant, (ni dailleurs un signifié). Au contraire, son symbole premier est l ouverture angoissée sur la signification phallique, et secondairement, le même symbole vient clore cette signification, translaté en nom propre par le truchement du Totem. Le Totem, pas davantage que le sujet qui sy fie, ne sont des signifiants. Le nom du père est dabord lui aussi un symbole. Entre louverture sur le symbole phobique et sa fermeture, le sujet sefforce de comprendre la cause de son angoisse : la parole et la pensée se déploient en fonction de ce plus intime, de ce si intime, quil vaut finalement comme le nom même de ce sujet à lissue de la plaque-tournante. Ce nom particulier que prend le sujet lorsquil sapproprie son corps de jouissance, cest celui de sa phobie quil totémise, puis patronymise. Le nom propre nest pas simplement une signature, ou un point de capiton discursif. Être à la hauteur de son propre nom (lhonneur, si lon veut) pousse en avant la pensée. Le patronyme est en ce sens causal. La pensée justificatrice, le déploiement signifiant, fonctionne dans laprès-coup dun symbole qui, certes, résulte dun rapport au signifiant, mais nen est pas un lui-même. Du déploiement phobique à la prise de nom, langoisse du néant se translate en anéantissement du père, acte fantasmatique dont la culpabilité peut régler ses dettes à la petite semaine.
§ 5 Épilogue
La phobie sest-elle donc entièrement évaporée à lissue de ce processus, une fois le sujet au pied du mur de porter son nom, dont il paye les gages au jour le jour ? Non, car les choses du dehors restent lourdes de leur investiture phallique, et continuent de prendre leur relief à partir des déhiscences phobiques. Non aussi, car persiste toujours une angoisse de castration, qui dans lambiance la plus civilisée, continue de transpirer sous forme de phobie du féminin. Les hommes comme les femmes ont un problème avec le féminin, problème qui est le lieu de leur rencontre. La phobie du féminin exorcise, par contumace, la castration.
Cependant, une fois franchies le Rubicon qui sépare le Totem de la prise de nom, ces phobies résiduelles deviennent inapparentes. Car le sujet qui a pris son nom va désormais les mouliner à laune de ses ratiocinations. La phobie est refoulée ; mais elle continue de comporter en elle-même le problème insoluble : elle ne fait pas solution. En réalité, latente ou patente, les phobies restent un organisateur de premier plan du monde des perceptions. Non parce que le perceptum sorganiserait entre lexécrable et le bénéfique, mais parce que la conscience du percipiens dépend de la façon dont il a pris son nom, dans sa lutte contre lobjet phobique. Le « je », divisé entre dedans et dehors, ne se rassemble jamais si bien que sous le coup de la phobie. Il se remparde contre le dehors à la mesure de son angoisse, et la conscience discriminative saffirme dans sa lutte pour éviter lobjet dexécration.
La phobie aiguillonne ainsi la pulsion de savoir. Les hommes cherchent à démonter et à comprendre ce qui est le cur de leur détestation. Langoisse, et non le danger, donne la mesure du réel 42. La pensée ratiocinante et les calculs cherchent à éponger le symbole phobique, de sorte quil restera oublié derrière la multitude des bonnes raisons. La phobie engendre des théories de la connaissance qui la mange : nous cherchons à connaître pour résorber notre angoisse. Par exemple, lhygiène fera oublier derrière ses preuves scientifiques la phobie du toucher. La phobie de la saleté se résorbe dans les rituels religieux de limpur, et le diable, une des figures du père, donne bien mieux la clef de la castration que les théories scientifiques de lhygiène. La découverte des virus et des bactéries banalise la phobie.
Les phobies religieusement partagées par plusieurs ou rationalisées par la science deviennent transparentes. Des problèmes effectifs, par exemple dans le domaine de lécologie, recouvrent facilement des phobies qui deviennent ainsi présentables, ou même militantes. La phobie est incontestable lorsquelle saccroche à un objet qui ne présente aucun danger, comme un cafard - ou même à un objet à coup sûr inexistant, comme un loup. Un animal peut déclencher une angoisse indépendamment de sa nuisance réelle 43. Plus difficile à déceler sont les phobies qui représentent un danger réel. La peur du SIDA (danger réel) peut, par exemple, rationaliser une phobie. Langoisse dêtre contaminé par une maladie sexuellement transmissible pose un interdit sur la sexualité, et la phobie sinstalle dans ce rôle névrotique de « Totem du père ». Son oxymore représente à la fois linstrument jouissif de la punition par le père, et le prix à payer pour le vu parricide44. La pensée senclenche pour résoudre ces contradictions et la rationalisation des phobies narrête pas de dévorer du père, manducation dont la culpabilité reconduit nos opérations ratiocinantes de dignes fils de Chronos, hantés par lémasculation.
Notes
1 La phobie est toujours le suffixe dune autre chose, encore indéfinie, ou même indéfinissable. Avant le suffixe phobique du discours médical, les peurs « sans objets » étaient attribuées à dieu ou au diable, ces deux compères du complexe paternel. Les phobies étaient alors épongées par les stratégies dexorcismes de la dangerosité du père. Le mot « phobie » ne sest lexicalisé en France quen 1881. Le suffixe apparaît en 1314, avec l »hydrophobie » qui désigne la peur de leau, symptôme de la rage. Un nombre grandissant de phobies sont homologuées dès les débuts du 19è siècle (lagoraphobie est dégagée par Westphall en 1873 et par Legrand du Saule en 1878; la claustrophobie par L. Balle en 1879; léreutophobie et la dismorpobie en 1899 par Morselli et Kraeplin. Dans les Leçons dintroduction à la psychanalyse, Freud constate que lorsque Stanley Hall distingue 132 sortes de phobies, il ne dit encore rien à son propos.
2 Dans le séminaire du 7 mai 69, Lacan affirmait que « la phobie n est pas un phénomène clinique isolé », en précisant que, plutôt quune entité clinique, cest une plaque-tournante ». (Dun autre à lAutre, leçon 16).
3 Les psychoses, par exemple, entretiennent un rapport à un père mythique : elles extérioriseront en conséquence de violentes phobies, sur une moitié du complexe dOedipe qui narrive pas à se symboliser (on dira pourquoi cette difficulté privilégie lagoraphobie).
4 Cest en ce sens que « La phobie a été proposée à langoisse comme une forteresse frontière », Linterprétation des rêves, Chap. VIII.
5 Dans son article sur les Psychonévroses de défense, Freud écrit à propos de lhystérie dangoisse : « Langoisse devenue libre, dont lorigine sexuelle ne doit pas être remémorée, se jette sur les phobies primaires communes de lêtre humain : animaux, orages, obscurité ou sur les choses dont on ne peut méconnaître quelles sont associées dune certaine façon avec le sexuel : urination, défécation, ou bien souillure et contagion en général ».
6 Cf. Paul-laurent Assoun, Leçons psychanalytiques sur langoisse, Anthropos édit.
7 Les témoignages de ses angoisses abondent dans les lettres à Fliess. Ainsi de cette lettre du 3 décembre 1897 (in Naissance de la psychanalyse, p.210) où son « train se met en mouvement avant qu il ait pu aller à Rome, ville symbole du désir interdit. Ce voyage sassocie pour lui à celui quil fit enfant : « Javais trois ans quand nous passâmes par la gare allant de Freiberg à Leipzig. Et les flammes du gaz que jy vis pour la première fois me firent penser aux âmes brûlant en enfer. La peur des voyages que jai du vaincre vient aussi de là. » Le déplacement en train est lié pour lui à la présence de sa mère et la recherche psychanalytique ultérieure doit sans doute beaucoup à cette angoisse.
8 Cf. Freud, Le petit Hans
9 Comme lécrit Freud : « Le trouble nerveux débute par des pensées à la fois sentimentales et angoissées, puis par un rêve dangoisse dont le contenu est le suivant : Hans perd sa mère, ce qui fait quil ne peut plus faire câlin avec elle...Ceci est le phénomène fondamental qui est à la base de son état ». De même un peu plus loin, alors que Hans a une crise dangoisse dans la rue, Freud en conclut qu« il veut rester près de sa mère. »
10 La forme régressive pulsionnelle infantile a beaucoup dimportance pour comprendre létat dangoisse physique dans laquelle plonge la phobie : le narcissisme est profondément atteint, puisque langoisse de la castration maternelle est ainsi exhumée.
11 Il sest lâché au sens de cette bizarre « lâcheté morale,» expression employée par Freud dans Lucie R. (Études sur lhystérie). Qui ne serait capable de lâcheté par amour ? Cest en ce sens dailleurs que la psychanalyse est une école dEthique, puisque le sujet affronte les conséquences dun refoulement auquel il a consenti.
12 Lobjet phobique, au même titre quune image de rêve, recouvre un contenu latent, comme lécrit Freud dans les Leçons dintroduction à la psychanalyse : « Le contenu dune phobie a pour celle-ci à peu près la même signification que la façade manifeste du rêve pour le rêve. »
13 Linterprétation des rêves, Chapitre V, section IV, paragraphe 2.
14 Le rêve est une réalisation de désir alors quil expose le plus souvent des condensations de traumas actuels et infantiles. Le désir humain reste incompréhensible sans loxymore masochiste dont la naissance et lévolution de lobjet phobique montre le devenir.
15 On pourrait se demander si langoisse de castration par le père a bien le même contenu que la féminisation. Freud, en tout cas, écrit à ce propos dans Lhomme aux loups : « Le moi se protège par un développement dangoisse de ce quil évalue comme un danger surpuissant devant la satisfaction homosexuelle », (chap.IX GW2/47).
16 Cette dépendance sexuelle ne se réduit pas à une frénésie de copulation. Cest un lien plus subtil et aussi plus puissant.
17 cf. Freud Un enfant est battu
18 Comme lécrit Freud dans la section VII de Inhibition, symptôme, angoisse : « Jai prêté jadis à la phobie le caractère dune projection en ce quelle remplace un danger pulsionnel intérieur par un danger perceptif extérieur »... Cette remarque nest pas fausse, mais elle ne va pas au fond des choses. Dans le cas de la phobie, on na, au fond que la substitution dun danger extérieur à un autre danger extérieur » (le père remplace la pulsion). Freud décrit ainsi lensemble du mouvement de la plaque-tournante jusquà sa conséquence névrotique.
19 Dans les Leçons dintroductions à la psychanalyse, Freud fait remarquer que : « Les premières phobies de situation des enfants sont celles de lobscurité et de la solitude ».
20 Comme lécrit Freud dans les leçons dintroduction : « Wenn jemand spricht, wird es Heller ». « Quand quelquun parle, il fait plus clair ».
21 Cf. Freud dans Inhibition, symptôme, angoisse : « La phobie de la solitude veut détourner la tentation dune onanie solitaire ».
22 On se souvient que dans lHomme aux Loups, un animal phobique fait également partie de la scénographie : le loup (certes, encore moins fréquent que la guêpe à Paris). Tout se passe comme si sétait produit une scission de la figure du père et Freud écrit : « Lobjet auquel lobjectif sexuel sest attaché a été remplacé par un autre dans le conscient. Ce qui devient conscient nest pas langoisse du père, mais celle du loup. »
23 Cf. Freud dans les Nouvelles conférences de psychanalyse : « Ce dont on a peur, cest avec évidence de la libido propre ».
24 Il est dailleurs plus clair de dire que cest un symbole.
25 C'est-à-dire, les névroses appelées communément hystérie et phobie. Freud considère la phobie comme un symptôme de l« hystérie dangoisse » dans le manuscrit A, en 1892 (in La naissance de la psychanalyse, p. 60) : « La mauvaise humeur périodique est une forme de névrose dangoisse qui se manifeste ordinairement par des phobies ou des accès danxiété. ».
26 L« extériorisation » de la phobie procède de la pulsion, qui est aussi bien dehors que dedans. Freud soutenait déjà en 1895 : « De la libido inutilisée est sans cesse transmuée en un semblant dangoisse, de réel, et un infime danger externe est ainsi mis en position de représentation des revendications de la libido. ».
27 il existe de même des formes mixtes qui marient conversion et phobie : dans langoisse de la contagion, par exemple il sagit dune phobie davoir un symptôme
28 Les médecins grecs imaginaient déjà quelle résultait dune navigation interne de lutérus.
29 On se souvient que dans le cas de Dora, les deux éventualités se présentent.
30 Cf. Freud : « Une fois que langoisse est associée à un accès de vertige, la locomotion se refuse à des conditions telles que la solitude, les rues étroites. », in Quil est justifié de séparer de la neurasthénie un complexe symptomatique comme la névrose dangoisse, 1895.
31 Dans la lettre à Fliess du 17 décembre 1896 (in Naissance de la psychanalyse, p.161), il écrit quil sagit du « refoulement de la compulsion à aller chercher dans la rue le premier venu, un sentiment de jalousie à légard des prostituées, et une identif ication à elles ». De même dans le manuscrit M (in Naissance, p.175) : « Cela revient à une « crainte de la prostitution » (de sortir seule) par suite dune « identification à des personnes de basse moralité ».
32 On ne peut douter quil sagisse de linconsistance du père, si on lit dans le manuscrit M (in Naissance p.182) : « Lagoraphobie semble liée à un roman de prostitution se rattachant aussi à ce roman familial. Une femme refusant de sortir seule témoigne ainsi de linfidélité de sa mère »... (elle laisse sa fille seule avec son père).
33 Faire de la fenêtre » est tiré de largot des prostituées chez Maupassant !
34 On peut lire par exemple dans Inhibition, symptôme, angoisse à propos de la phobie des hauteurs (höhenphobien) fenêtres, tours, gouffres : « Elles pourraient avoir leur origine dans leur signification féminine secrète, qui côtoie le masochisme. »
35 « On ne peut empêcher le père de se montrer quand il veut », écrit Freud in Inhibition, symptôme, angoisse.
36 Il faut remarquer ici quune femme peut plus facilement qu un homme intégrer la séduction du père, qui ne menace pas son genre. Elle aura donc en ce sens davantage de prédisposition à la conversion que les hommes, dont la virilité est menacée par la séduction paternelle. On risque donc den tirer lidée fausse que les femmes sont plutôt hystériques, et les hommes obsessionnels.
37 De même, par exemple, que lhystérique cherche à inventer un savoir nouveau contre celui qui existe, alors que lobsessionnel chante le savoir dun père mort.
38 Freud nemploie jamais le terme « contraphobique », mais la science (notamment psychanalytique) doit sans doute beaucoup à la lutte contre la phobie.
39 Comme lécrit Freud « Les contenus dangoisse : être mordu par le cheval et être dévoré par le loup sont les certitudes déformées dont le contenu est dêtre castré par le père », (Inhibition, symptôme, angoisse).
40 Ou plus exactement, la phobie primaire est raccordée en-deça au fétiche (à la signification phallique) et au-delà au Totem.
41 Cest là une condition de la parole : que le sujet porte un nom nappartenant pas à la chaîne signifiante elle-même. Lhors signifiant du symbole capitonne la parole et garantit son expansion.
42 Freud le remarque dans Inhibition, symptôme, angoisse : « Une connaissance instinctive des dangers menaçants au-dehors ne semble pas avoir été accordée à lhomme ou du moins seulement dans une mesure très modeste. »
43 Dans les Leçons dintroduction à la psychanalyse, Freud évoque lexemple dune phobie des serpents (Schlangenphobie) : « Charles Darwin a écrit de façon tout à fait impressionnante comment il ne pouvait se défendre dangoisse face à un serpent se déplaçant devant lui, bien quil se savait protéger par une vitre épaisse. »
44 Ce vu parricide ne résulte dailleurs nullement de lactivité sexuelle, mais de la passivité à légard dun père sodomite, comme le montre ironiquement ce fait que la plupart des phobies du SIDA se développent chez des sujets qui nont aucune activité sexuelle et nen procèdent pas moins à de nombreux contrôles.