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Ariel Pernicone: Pour commencer, on voudrait vous poser la question à propos de votre expérience personnelle et surtout de votre relation avec Lacan.
Jean Michel Vapperau: Cest très simple, jai eu beaucoup de chance parce que jai rencontré Lacan dans la même université, grâce à Desanti. Jy faisais un séminaire et aussi un cours de mathématiques et jétais intéressé, de plus en plus, a la question de savoir la raison pour laquelle je faisais de la Mathématique; en principe, je voulais faire de la Physique et jaimais la Physique; mais mon professeur ma dit "aujourdhui pour savoir de la Physique il faut absolument savoir de la Mathématique". Alors, jai suivi le cours de Mathématique pure et, en même temps, jétais passionné par la musique. Jécoutais la musique contemporaine, le jazz. Je me posais aussi quelques questions sur la musique, dans quel sens allait la musique á ce moment-là. Toute cela ma conduit au séminaire de Desanti. Et un peu avant javais commencé à lire Lacan avec des amis qui étaient des élèves en Philosophie et qui étaient, aussi, élèves de Kaufman (a Nanterre) à luniversité. Ils suivaient un bon cours et tout cela nous avait incités à lire Lacan. Javais déjà lu un texte de Reich et après jai trouvé que Reich évoquait lau-delà au moyen du plaisir et, il soutenait que Freud se trompait. Mais, jai lu ce texte de Freud et jai été très surpris de mapercevoir quil y avait une argumentation, un raisonnement, et que ce nétait pas du tout ce que Reich racontait. Je ne voulais absolument pas mintéresser à la psychanalyse: je la considérais comme quelque chose de frivole et farfelue.
Voilà pourquoi jai été frappé par la lecture de Freud. Quand jai commenté ce que javais trouvé mes amis mont dit: "Lacan dit des choses comme ça". Ils mont poussé à lire "Au-delà du principe du plaisir", le problème de la répétition. Alors jai commencé à lire Lacan. Et je ne comprenais absolument rien. Jai lu Lacan pendant plusieurs mois sans rien comprendre.
Je lisais beaucoup parce que jétais convaincu quil y avait dans son propos des réponses aux questions que je me posais. Je suis ensuite allé une fois au Séminaire avant de connaître Lacan, et jai rencontré Lacan lui-même, parce que Lacan discutait avec Desanti, après la thèse de Desanti sur les "idéalités" mathématiques. Lacan lui posait beaucoup de questions, et luis ça lennuyait. Alors il a proposé que je réponde à sa place.
Ariel Pernicone: Cétait quelle année?
Jean Michel Vapperau: Ca cétait en 1971. À partir de lan 71 jai commencé à rencontrer Lacan une fois par mois. Il minvitait à déjeuner ou à dîner et il me posait des questions. À cette époque-là il cherchait à savoir ce que je connaissais. Il me mettait à lépreuve et, heureusement, jai bien passé les épreuves. Mais, au bout dun an jétais de plus en plus passionné de la lecture de Lacan, et le fait de le rencontrer directement - javais déjà fini une partie de mes études de mathématique - et au mois de juin de 1972, je suis allé le voir pour lui demander de faire une analyse avec lui.
Jétais dans une situation... jai complètement laissé tomber toutes mes études à luniversité et je me suis installé en banlieue dans un squat, et jai vécu comme ça pendant trois ans avec des gens dans une situation sociale tout à fait exceptionnelle.
Ce qui mintéressait à ce moment-là cétait mon analyse avec Lacan.
Jai commencé à assister aux séminaires, toutes les semaines, toutes les semaines - cétait encore le Séminaire Encore -. Cest comme ça que je suis allé à tous les Séminaires de Lacan, jusquà la fin.
À cette époque-là, je voyais Lacan pendant certaines périodes dune manière très intense. Le transfert fonctionnait très bien. Jai lu énormément de choses, jai fabriqué ma bibliothèque : jétais complètement ignorant, je navais lu que des choses scientifiques et sur la Mathématique, bref, je lisais le journal, les revues, mais à partir de cette période de lan l972, jai énormément lu. Jai beaucoup lu sur philosophie, linguistique, et jai appris beaucoup de choses.
Je voyais Lacan pendant une certaine période et jai mis beaucoup de temps à mapercevoir que je me trouvais à des moments de coupure, parce que Il me disait : "Venez demain", ou "Venez à midi", ou "Venez demain", et comme ça pendant plusieurs semaines, et puis ensuite, tout à coup, il ne me donnait plus de rendez-vous, et je me trouvais sans le voir.
Et quand javais quelque chose à lui dire, je le rappelais, et alors ça recommençait une nouvelle période de rencontres. Mais pendant longtemps, du fait de lenthousiasme, je ne calculais pas, je ne faisais pas attention, je ne remarquais pas que si je ne cherchais pas à le recontacter, lui il ne me contactait pas. Je ne le voyais que quand il me disait: "Revenez, revenez, revenez".
Sil ne le disait pas, notre rapport sarrêtait et jai pris longtemps pour mapercevoir quil fallait que moi-même je renoue le lien. Jai étais dans un état de passion et de productivité formidable. Mais je ne voulais plus faire des sciences, je ne voulais que lire Lacan et lire tout le corpus nécessaire pour comprendre Lacan: philosophie, linguistique, anthropologie, etc.
La première année, quand je ne rencontrais Lacan que pour parler de Mathématique, il me disait toujours: "Vous me direz ce je vous dois". Parce que cest Desanti qui mavait fait le rencontrer, et Lacan allait me payer. Mais il ne ma jamais payé. Alors un jour je lui ai dit. "Ecoutez, vous me demandez combien vous me devez, mais je nen sais rien. Mais, si vous voulez me donner quelque chose, vous pouvez me payer avec les livres que vous avez et que je nai pas".
Je navais même pas les Ecrits en grand volume, javais seulement les livres de poche. Alors, il a prit de la Bibliothèque un volume des Ecrits, quelques livres de Scilicet, et il ma donné tout ça. A cette époque-là le séminaire nétait pas encore publié
Et un jour, au séminaire, Lacan a parlé de Pierre Soury. Javais vu, sur une fiche à luniversité, que Soury faisait un cours. Cétait dans un département que je connaissais, le département de "didactique de la discipline". Cétait un cours pour la science de lenseignement et de la pédagogie. Je connaissais ces gens, qui navaient pas dintérêt pour moi, alors je ne suis pas aller a ce cours. Je pensais que cétait des gens très parisiens, qui faisaient toujours un petit peu de Marxisme, un petit peu de psychanalyse, et jévitais toujours ces milieux un peu mondains.
Par contre Lacan a dit au séminaire que Soury était très mal en pont, que ça nallait pas bien, que cétait dur pour lui, quil fallait aller laider. Il a dit ça en public, au Séminaire.
Alors je suis aller au cours de Soury la semaine après, et justement Lacan était là. Il est resté une heure. Après lexposé de Soury il a posé une question. Il est aller au tableau pour montrer des choses a Soury, et discuter avec lui, face au public. Et après il a quitté la salle. Soury a marqué une pause - lui aussi se trouvait dans un état transférentiel très vif, ému - et, après la pause il est revenu et il a recommencé son cours. Et cest à ce moment-là quil a dit quil avait décidé une chose: il ne voulait plus que personne ne prenne la parole dune manière directe. Il disait: "cest trop de bordel, je ne répondrais quaux questions écrites. Si vous voulez me poser des questions vous les écrivez et me les envoyez". Après, jai écouté la suite du cours, et donc les gens nintervenaient plus.
Tout cela se passait autour du Séminaire de Lacan, beaucoup de gens qui assistait dabord au Séminaire de Lacan allaient après au cours de Soury.
Alors, dans la semaine qui a suivi, jai pensé, sans lécrire, un texte, pour expliquer a Soury comme je trouvais son exposé tout a fait inintelligible, et que jarrivais à comprendre pourquoi son public ne parvenait pas à le comprendre. Jai pensé ce texte et je lai écrit dun seul coup, je lui ai écrit trois pages, lune après lautre. Je les ai tapées a la machine mécanique, pas par e-mail (rires).
Je lui ai téléphoné pour lui dire que javais un texte pour lui, tel quil lavait demandé, et il ma dit: "je ne vais pas le lire, je vous propose de le lire avec vous". Par ce que tout ce que les gens lui racontaient lemmerdait, et il les chassait. Et il avait raison, il y avait pas mal de confusion.
Alors il ma proposé de lire mon texte à condition que je sois présent. Et jai accepté. On sest retrouvé à la Maison des sciences de lhomme, où il travaillait. Et là il a commencé à lire mon texte, et à manifester des incompréhensions, à faire des critiques. Mais jai accepté de jouer son jeu, et je ne suis pas intervenu, je nai rien dit, étant donné quil avait dit: "moi je lis et vous, vous écoutez, sans minterrompre, ça va? »
Cétait assez violent, mais cest comme ça que nous avons commencé à travailler ensemble. À partir de ce moment-là jai pu aller au cours de Soury toutes des semaines. Il avait organisé une fois par mois une réunion ou on pouvait lui poser des questions ou des problèmes, à condition de venir les exposés au tableau.
Alors jai pris lhabitude, parallèlement a mes rencontres avec Lacan, qui continuaient toujours, de préparer pour chaque mois un petit objet, une petite construction, un dessin, une phrase, un commentaire, que je pouvais présenter en public au cours de Soury. Et ça été très bon pour moi parce que, grâce à Soury, jai pu parler en public de ce que je faisais avec Lacan uniquement. Je pouvais continuer à travailler avec Lacan, et des fois, lui montrer des choses que javais déjà montrées à Soury. Parce que Lacan, dès que je lui parlais de quelque chose, si je lui disais: "Jai dessiné cela" ou "Jai écrit cela", il me disait: "apportez-le-moi, apportez......".
Je lui ai donné beaucoup de choses écrites, dont je nai jamais eu de nouvelles, il ne men a jamais parlé, et je ne sais pas ce quil a lu.
Cela ne mempêchait pas de continuer à travailler, apprendre à lire. Par contre, le cours de Soury me permettait de parler de ça dans un lien social qui était autre que simplement le couple de lanalysant et lanalyste.
Et plus le temps avançait, plus Lacan me faisait venir longtemps chez lui, dans les périodes que je venais chez lui. Des fois je passais toute la journée chez lui, ou une après-midi. Il minstallait dans sa bibliothèque; il venait me chercher, je parlais un peu avec lui, il me renvoyait dans la bibliothèque, pendant quil recevait dautres personnes.
Même un jour il a fait installer, a sa secrétaire, une table au beau milieu de la bibliothèque, avec un lampadaire, et il ma installé là pour que jétudie un texte de physique. Et jai passé laprès-midi à lire un livre de Decrel. A propos, jai trouvé, dans ce livre, une question dont il avait parlé au séminaire la semaine davant. Alors jai réussi à voir que cétait cette question qui lintéressait. Donc jai décortiqué ça le long de la journée. Alors, jai pu passer toute lécole freudienne, qui venait chacun a sa séance, qui durait très peu de temps.
Jai ensuite travaillé sur cette question. Cétait au printemps, et jai du travailler jusquà lété. Cétait assez important, cest une question qui est toujours très intéressante, à propos de la dimension de lespace et de la physique: comment un espace de dimension quatre peut être considéré comme une surface dans un espace plus grand ?
Dautres fois, quand je lui montrais quelque chose que javais fait chez moi, il me disait "Aahhh, vous avez trouver quelque chose". Je ne comprenais pas du tout ce que javais trouvé. (rires)
Maintenant jai mieux compris, je pourrais lexpliquer.
Une autre fois je lui ai parlé dune réflexion que javais faite à propos de mes parents et mes grands-parents, cétait un lien que je faisais avec la sexualité, alors il ma regardé comme ça, le corps rejeté en arrière, et il ma dit: "Mais comment faites-vous pour comprendre si bien ce que je raconte? » Jétais très surpris (rires)
Vous voyez, il y avait toute une espèce dambiance comme ça, avec un travail très intense, et peut-être une part de suggestion, de manipulation. Mais javais entièrement confiance en lui.
Je dois dire que grâce à tout ça je suis passé par plusieurs lectures différentes de ses Ecrits, jai pu commencer à lire le séminaire quand il est paru, et jai trouvé aussi des réponses à toutes les questions que je me posais aussi bien sur les mathématiques, la musique, la science, et sur notre époque, et sur ma vie personnelle.
Et jarrivais à formuler ces choses là. Cétait donc très productif et très efficace.
Je suis de lavis que lon peut, grâce à la psychanalyse, répondre à des questions fondamentales, les plus larges comme les plus intimes, quon puisse se poser quand on est enfant, ou à quinze ans, ou à vingt ans, etc.
Alors, bien sur, on aboutit à dautres questions, de nouvelles questions, mais cest beaucoup plus intéressant. La différence que je ferais cest que les gens de ma génération, que je connais, et qui nont pas fait ce type de cursus, qui nont pas cette expérience, ils restent tous coincés avec leurs questions de lenfance, de ladolescence, de lâge adulte. (rires)
Ils vivent comme ça, complètement coincés. Cest ce que je constate chez beaucoup danciens amis.
Ariel Pernicone: Combien de temps avez-vous passé en analyse avec Lacan, et à quel moment?
Jean Michel Vapperau: Je le lui ai demandé de faire lanalyse en juillet de l972, dans son appartement, avant quil parte en vacances. Ensuite ça a recommencer en Septembre de l972, et a partir de ce moment là, il y a eu des périodes dinterruption qui étaient plus ou moins longs, parce que jai pris du temps à comprendre que cétait moi qui devais lui demander de prendre un rendez-vous avec lui. Alors jai fait mon analyse jusquau moment de la dissolution, quand il a lu la lettre de dissolution de son école. A ce moment-là je suis retourné une foi le voir, mais cest sa secrétaire qui ma ouvert la porte et qui ma dit: "Il nest pas là, vous devez lui téléphoner".
Je lai appelé mais je nai jamais pu le contacter ni le voir.
Il faut dire aussi comment était cette période. A chaque fois que je téléphonais a Lacan, même sil était en séance, je pouvais lui parler. Jai limpression quil avait donné la consigne que je puisse le contacter. Je crois que cela a produit beaucoup de jalousie. Parce que javais une relation avec lui qui était très intense. Javais toujours cette possibilité de le joindre par téléphone, même a la campagne: il mavait donné le téléphone de sa villa à la campagne. Il me disait: "Si vous voulez me parler, appelez-moi".
Tout cela, et ma présence dans sa bibliothèque toute laprès-midi, personne ne comprenait ce que je faisais là. (rires)
La secrétaire, qui comptait largent que chaque patient lui donnait, elle devait trouver que je restais très longtemps pour pas payer beaucoup. Elle ne comprenait pas non plus quest ce qui se passait. Quand javais de largent je payais, quand je navais pas dargent je ne payais pas. Lacan avait lair de sen foutre complètement. (rires)
Alors Miller a voulu savoir ce quil en était de mon analyse avec Lacan. Donc, il a demandé a Gloria. Et Clavreul a voulu savoir aussi, parce que javais demandé de rencontrer des passeurs.
Michel Sauval : cela en vie de Lacan ?
Jean Michel Vappereau : Oui, tout ça pendant que Lacan vivait.
Et quand Clavreul ma dit: "Non, vous nêtes pas en analyse, vous ne pouvez pas rencontrer des passeurs. Demandez son avis à Lacan". Alors je prends mon téléphone, jappelle Lacan, et je lui ai dit: "je veux rencontrer des passeurs pour faire la passe, mais Clavreul ne veut pas, il veut que je demande votre avis". Alors Lacan ma dit: "Allez-y !", "Allez-y !", "Allez-y !".
Donc je retourne voir Clavreul, et il me dit: "Non, ce nest pas vrai. Je vais lui demander moi-même ».
Je lui ai répondu: "Faites ce que vous voulez".
Quand je revois Clavreul il me dit "Jai demandé à Lacan et vous nêtes pas en analyse avec lui". A mon avis, il a demandé à la secrétaire de Lacan et pas à Lacan, parce quà cette époque-là Lacan ne parlait déjà avec personne. Toujours est-il que quand Clavreul ma dit, je lui ai dit "Au revoir", je ne vais pas entrer dans des discussions comme ça.
Et donc Miller aussi a voulu savoir ce quil en était. Et il me dit quil a demander a Lacan, devant Gloria: "Est-ce Vappereau est en analyse avec vous?" - en réalité, la question exacte était « Est-ce que vous avez analysé Vappereau ? » - et que Lacan aurait répondu "Non". Ce qui est correct, vu que pour Lacan on nest pas analysé par son analyste, mais quon fait son analyse avec son analyste.
Vous voyez, comme Miller lui a demandé: "Vous avez analysé Vappereau?", Lacan a répondu: "Non". Lacan ne ma pas analysé. Mais ce quil na pas dit cest que je ne métais pas analysé avec lui. Vous voyez, ces gens cherchent des prétextes, essayent de repasser, de me faire porter le problème que eux ne comprennent pas: ils ne comprennent rien la pratique analytique.
Je ne dis pas que jai fait une analyse standard, je ne dis pas que jai fait une analyse type.
Lacan a écrit sur les variations de la cure type. Peut être que ce nest pas très orthodoxe.
Mais mois, ça mest complètement indifférent, moi jai trouvé ce que je cherchais, et même beaucoup plus de ce que jimaginais. Cest beaucoup plus passionnant que de faire un rituel avec lanalyse. Et je dois dire, donc, que moi je considère que lanalyse nest pas un rite, ce nest pas un rituel, quil a des conditions dexercice précises qui sont énoncés par le discours analytique, dans un contexte discursif, pas phénoménologique. Il ne sagit pas de la question des murs du cabinet ou du divan, il sagit de conditions discursives pour lexercice dune pratique spécifique.
Et jai énoncé, lautre jour, quand jétais à Apertura, jai énoncé des conditions nécessaires du discours analytique, des conditions spécifiques pour que la psychanalyse ait lieu. Sil ny a pas ces conditions-là la psychanalyse ne peut pas avoir lieu.
Cest pour cela que je parle de rituels. Moi je naurais fait mon analyse avec personne dautre quavec Lacan. Je naurais jamais demandé à faire une analyse à quelquun dautre.
Et je dois dire que, la suite que jai connue depuis vingt ans me confirme dans ce jugement. Je pense que le discours analytique est très nouveau et que la plupart de ceux qui essayent de pratiquer lanalyse ont beaucoup de difficultés parce que le problème du XXième siècle, où Freud a découvert linconscient, a inventé la psychanalyse, il na pas rencontré danalysantes suffisamment pugnaces (pugnacité, la volonté de se battre, de lutter), suffisamment exigeants
Le problème de la psychanalyse, déjà avec Freud Freud avait besoin de produire des analystes pour que .
Michel Sauval : ... Ferenczi peut être
Jean Michel Vappereau : Il y a des gens très bien. Ce nest pas un jugement personnel sur lun ou sur lautre. Je dis, seulement, que la difficulté cest que Freud, comme analysant, a des exigences, vis à vis de sa propre analyse, quon ne trouve pas chez les autres. Il avait besoin de produire des analystes pour assurer la survie de sa découverte et de son invention.
Et je pense que Lacan fait la même chose.
Lacan a mieux vu le problème, la difficulté pour les analysants, mais il na pas voulu réussir mieux que Freud. Et même avec moi. Cest pour ça quil a laissé cette situation qui peut paraître équivoque.
Parce que Lacan, lui, ce nest pas quil nait pas rencontré des analysants qui voulaient être des analysants, plus encore que du temps de Freud. Mais Lacan, lui, pour rester "freudien", strictement, pour des raisons logiques quil explique - il sagit, pour lui, de fonder la psychanalyse freudienne - il répète Freud sans jamais le dépasser, il sarrange pour échouer de la même manière que Freud - avec les analysants -. Et il a produit beaucoup danalystes.
Alors, on peut dire que, dans le siècle, la psychanalyse a produit beaucoup danalystes, mais pas danalysants. Il ny a pas danalysants en dehors de Freud et de Lacan ayant cette force, qui interrogent le problème, la question, qui ne satisfont pas avec des réponses trop rapides, qui inventent, produisent, des choses pour répondre a ces questions. Et qui tient à quelque chose, qui tient au Freud au départ, qui doit rester avec un point dinterrogation : la psychanalyse nest pas un discours clos mais, par contre, cest un discours qui est achevé avec Lacan.
Cest à dire que Lacan la fondé en répétant, strictement, la même chose que Freud.
Et moi je pense qua notre époque, nous devons enfin pouvoir nous poser la question: « Quest-ce que cest quêtre analysant? »
Parce que lanalyste ne peut pas faire faire son analyse à lanalysant. Cest déjà pas mal, sil ne de met pas en travers ou empêcher lanalysant de faire son analyse. Et Lacan le dit : tout ce que lanalyste peut faire de pire cest dempêcher lanalysant de faire lanalyse.
Mais il ne peut pas faire faire lanalyse à lanalysant. Et moi je pense que cest la responsabilité de chaque analysant dêtre exigeant avec sa propre analyse, de vouloir la faire. Et il faut trouver quelquun avec qui la faire,
Moi je prétends que, de mon temps, je naurais jamais trouvé personne pour faire ce que je voulais faire, en dehors de Lacan, qui ma laissé faire, qui ma soutenu et ma même encouragé à le faire. Je ne connais quune seule autre personne qui meût soutenu dans ce domaine et qui ne ma pas dit: "Non, arrête, non, ce nest pas comme ça, etc.". Cest quelquun qui nest pas du tout dans la psychanalyse. Par contre, tous les autres, les lieutenants du champ, ont toujours tenu des propos de frilosité, de craintes, de timidité, vis à vis de la nécessité, que moi je reconnais, jéprouve, délaborer des réponses à des questions, et des réponses qui ont un effet de changer, et qui ensuite conduisent à de nouvelles questions. Mais cela cest un progrès. Ce nest pas une structure close, cest une structure qui comporte une faille interne, une brisure interne, une fente, cest une structure fendue, mais qui pourtant est quelque chose qui maintenant est achevé.
Je prétends que dans chaque analyse on peut, en conservant cette structure de refente, je prétends quon peut arriver à un achèvement de sa propre analyse.
Le problème quil faut se poser maintenant cest comment commencer?
Lacan a crée la situation où tout le monde se pose la question de la fin. Aujourdhui tout le monde ne parle que de la passe, mais personne ne se pose la question de comment ça commence, personne. Les entretiens préliminaires, les conditions nécessaires pour que la cure ait lieu, et ensuite, évidemment, lissue aussi, il faut réunir ces trois éléments pour pratiquer lanalyse.
Et moi, comme jai vu que cétait le bordel, la bagaille, la confusion, une lutte de gamin, dadolescents, comme dans les cours de récréation a lécole, où chacun voulait mesurer sa queue pour savoir si elle était plus longue que celle de lautre (rires)
Vous voyez, je vous parle de cela parce quon va parler de la psychanalyse des enfants (rires)
Cest de ça dont je parle! Chez la plupart de ceux qui sont avancés dans lexpérience, nous arrivons, dautant plus aujourdhui, à une situation ridicule dans laquelle on ne parle pas de choses sérieuses. On est là dans des compétitions imaginaires. Le discours se dégrade et il y a des rites, des habitudes. Alors on fait des analyses comme ça.
Nous pouvons comme même pénétrer dans un commentaire plus précis sur ce qui se passe, en tant quon peut en parler a partir des publications et de ce quon peut lire.
Mais je voudrais surtout insister sur les conditions quil faut réunir. Il faudrait quon sache dans la cité, dans la ville - cest une responsabilité politique - quelles sont les conditions dexercice du discours analytique.
Quand on regarde luvre de Freud, y compris sa pratique, on voit quil vient butter, par exemple, sur la réaction thérapeutique négative. Les héritiers de Lacan voudraient nous faire croire que Lacan na rien apporté sur cette question, et donc ils tombent dans le piège que Lacan leur a tendu, puisquils soccupent justement de la passe, de la fin de lanalyse, tout en disant quil ny a pas de fin possible, que Freud a butté sur une impossibilité pour finir, et que nous sommes toujours dans la même situation, parce que Lacan naurait pas apporté une théorie du "sur-moi" qui permettrait dexpliquer ce quil faut faire dans cette situation.
Cette théorie du "sur-moi" se traduit dans le discours actuel par le "maître" mot du sur-moi qui est jouir. Le mot jouissance est actuellement le "maître" mot du discours lacanien; ce qui est une façon denliser le problème.
Lacan apporte exactement ce qui nous est nécessaire pour en sortir de cette situation.
Quel était le problème de Freud? Le problème de Freud cest quil avait la solution du problème de la réaction thérapeutique négative, puisquil avait énoncé son éthique - et que cest un problème éthique - : « Là ou cétait, je dois advenir ». La question que Freud se posait, cétait comment faire intervenir cette solution dans la cure, parce que dans la cure il est exclu quil ny ait aucune injonction, aucun impératif venant de lanalyste. Cest déjà suffisant quil dise létat du discours analytique ou il est arrivé par sa propre analyse avec sa façon de présenter la règle fondamentale. La manière dont on dit la règle fondamentale cest la manière dont on est arrivé a élaborer le discours analytique dans sa propre personne.
Alors, on voit bien que Freud discute, justement avec Ferenczi qui lui disait « Donnez lexemple, montrez comment vous travaillez", etc. Il y a des lettres où Freud dit : "Les analysant ne travaillent pas, ils ne font pas leur analyse ». Alors Ferenczi lui dit: "Donnez lexemple!" Et Freud lui répond (dans « Le moi et le ça »): « Ce pas le rôle de lanalyste de se donner en exemple, Il ne faut pas occuper la place de lidéal du moi ».
Donc, jirais plus loin, il ne faut pas non plus indiquer sous la forme dinjonction. Cest pour cela quil est nécessaire quil y ait un discours analytique, et quon le sache dans la ville, dans la cité, dans le pays, dans le monde, quon sache ce que dit ce discours. Parce que lefficacité dans la pratique dépend du degré de lélaboration du discours. Le problème de la réaction thérapeutique négative du "sur-moi", de la clinique des névroses, est résolu par lexercice même de la psychanalyse.
Je dis que le fait dêtre analysant, le fait de lêtre, ça guérit la névrose, on cesse dêtre névrosé si on est analysant, à condition quon sache quêtre analysant nécessite de certaines conditions, que Lacan énumère, et quil a énoncé.
Je peux vous montrer dans les Ecrits comment il les a formulées. Il est vrai quil ne les a pas énoncées comme une sorte de liste, ces conditions-là. Mais il a même pris soin de mettre le point principal de cette question, cest à dire du passage des entretiens préliminaire à la cure, il a pris le soin dexpliquer ça dans un texte qui précède son entrée, son implication dans le discours analytique, qui est le texte sur la causalité psychique.
Bon il explique ce quil entend par cause de la folie. Et la seule réponse quon peut donner, cest celle de la responsabilité du sujet Mais ça ne doit pas être fait comme un impératif. Cest efficace si on sait que venir rendre visite a un analyste, si tout le monde le sait, même si ce nest pas dune manière consciente, donc si le discours circule, si ça se sait qualler voir un lanalyste, cest prendre une responsabilité. On ne passe pas le pas de la porte dun cabinet danalyste sans sengager dans quelque chose. Et je considère que cest une chose acquise par le discours analytique, acquise par et pour le discours analytique.
Cela explique ma pratique, quand quelquun me demande un rendez-vous pour venir me voir, ce nest pas touristique. Si on me demande de venir me rendre visite, même si cest pour des entretiens préliminaires, non seulement je demande quon me paye, mais aussi, si je lui donne un autre rendez-vous, il faut quil vienne me voir, cest une question de principe.
Il faut confronter les sujets a ces nécessités. Cela sera très bon pour eux. Parce que sils ne veulent pas venir, ce sont eux qui prennent la responsabilité de ne pas venir, et donc, même une seule rencontre à déjà une efficacité analytique. Mais si on nest pas capable de dire ça dans le monde, la psychanalyse na plus aucune efficacité, elle se défait Si ce nest pas un engagement de principe, tout le discours se défait, on tombe dans le rituel.
Il y a un certain nombre de conditions discursives, et cest pour ça quon peut, ensuite, proposer a quelquun de dire nimporte quoi, de parler a tort et a travers, parce que celui qui parle a une responsabilité.
Ariel Pernicone: Mais, alors, comment appliquer cela aux enfants?
Jean-Michel Vappereau: Cest pour cela que dans ces conditions, il ny a pas de psychanalyse denfants possible.
Avec les enfants, comme avec les gens qui sont dans des institutions médiatrices, il faut pratiquer seulement les entretiens préliminaires. Et ça ne se transforme en analyse que quand le sujet peut prendre une responsabilité.
Ariel Pernicone: Mais les parents viennent avec une demande
Jean Michel Vappereau: Oui, cest la demande des parents, ce nest pas la demande de lenfant. Les enfants doivent être considérés comme des enfants, je pense quil faut respecter leur état denfant. Les enfants cest le mot même - nont pas accès au monde du travail, au mensonge et donc à la responsabilité. Il faut les laisser dans cette situation, le temps quils deviennent adolescents, et ensuite deviennent adultes, et quils acquièrent, petit à petit, les moyens pour prendre des responsabilités.
Je ne critique absolument aucun analyste en disant ça Je dis simplement quil faut savoir quest-ce quon fait. Je pense que la pratique de quelquun, qui a lui-même une pratique danalysant, qui a eu une pratique danalysant, et qui comprend que cette pratique danalysant il faudra lavoir toute sa vie, cest à dire, sengager dans des responsabilités, et particulièrement, dans psychanalyse, absolue, puisque ce nest que discursif ça ne peut être quabsolu.
Il faut être dautant plus précis là dessus. Alors, quelquun qui parle avec les enfants, qui reçoit des enfants, cest très bon pour les enfants, mais ce nest pas de la psychanalyse.
La même avec les gens qui sont à lhôpital: on reçoit des gens dans les services, où il y a un statut juridique et administratif qui empêche que le sujet prenne la responsabilité, on peut recevoir et parler avec les gens dans ce contexte. Mais il faut, justement, réfléchir à lavenir et penser quil y a une sortie, comme dans lenfance, vers une responsabilité future, et que le sujet un jour puisse faire son analyse.
Mirta Benitez: À lhôpital, de ce quil sagit cest de produire une demande, pour que ce soit ailleurs .
Jean Michel Vappereau: mais le problème des entretiens préliminaires, de la demande et de la différence entre la demande et le désir, cest la clinique psychanalytique.
La clinique psychanalytique se trouve principalement là. Lisez ce que dit Lacan dans son exposé aux médecins : il dit exactement cela. Il dit : tout ce que les médecins ont a savoir de la psychanalyse - ils nont pas besoin de devenir psychanalystes pour pratiquer la médecine - ce quils peuvent apprendre de la psychanalyse, cest justement quelque chose qui importante pour la clinique médicale, puisque quest-ce que cest la clinique?, cest quelquun qui vient vous demander quelque chose et qui ne veut pas obtenir ce quil vient vous demander.
Il vous demande quelque chose et il nen veut pas. Donc, il faut au moins avoir appris çà. Mais on peut apprendre encore plus : comment répondre à cette situation. Et pour y répondre, Lacan nous dit quil a construit quelque chose, qui sappelle la topologie du sujet.
Donc voyez, moi, ce que jenseigne, cest principalement un enseignement clinique. Tout ce que je fais comme topologie, prétend répondre à cette situation clinique fondamentale.
Ce qui fait que quand les gens me demandent quels sont les rapports de la clinique et la topologie, je vois tout de suite quils nont rien compris à la clinique ni à la topologie, leur question même le comporte. Sils avaient fait une analyse qui les conduise a de bonnes questions - grâce aussi à Freud et grâce à Lacan, quil faut lire à un moment donné: on ne peut pas faire une analyse sans avoir lu Freud et Lacan à un moment donné, même si cela est contester par certains, je men fou - pour moi ceux sont des faits attestés, ils sont structurellement attester dans les textes, dans un discours, même si ce discours maintenant se réduit à ces textes, tant pis, jattends que dautres, que des lecteurs, prennent ces textes pour remettre en mouvement le discours comme pratique du lien social. La psychanalyse ce nest pas que des textes, cest de textes et la pratique du lien social. La psychanalyse cest un lien social.
Ariel Pernicone : la psychanalyse est un lien social ?
Jean Michel Vappereau : Oui, cest une façon de se rencontrer, de se donner les moyens de faire un travail spécifique qui consiste a venir apporter sous la forme de demande le fait quon soit dérangé par quelque chose, quil y a quelque chose qui ne va pas.
Parce que le sujet est déjà, depuis le petit enfant, touché par une intuition. On peut appeler ça comme ça, en grecque, on peut appeler ça un matemata, dans la psychanalyse on appelle ça un trauma. Cest un trou, cest quelque chose qui ne va pas, dont le sujet ne pas quoi faire, il ne sait pas quoi faire de ce trou. Et Lacan nous a dit même doù vient ce trou : cest une intuition ce matemata, cest comme le nombre, comme les mots, ça vient des malentendus des parents.
Les parents ne sentendent pas ni parler ni crier. Ils ne se rendent pas compte quils parlent. Ils parlent entre eux mais ils ne se rendent pas compte quils parlent.
Moi quand je parle, je sais, maintenant, que je cherche à dire des choses, mais en plus, je parle.
Quest-ce que cest le symptôme ?
Cest une parole qui oublie quelle parle. On parle de la souffrance, on veut dire quelque chose, mais on oublie que la souffrance parle toute seule.
Et ça ça laisse des trous, ça laisse des trous dans les enfants. Les adultes se conduisent tellement mal avec la parole, quaujourdhui même on a une recrudescence des enfants qui refusent de parler. On a une recrudescence de lautisme. Cest de lordre de la psychose, cest un fait de discours. Nous avons le discours de la science qui se développe, une forclusion de plus en plus grande de la sexualité et de la parole parce que moi jappelle sexualité notre relation avec ce trou.
Donc il ny a pas de rapport sexuel parce quon ne sait pas comment sy prendre avec ce trou.
Alors, prenons les choses maintenant par lautre extrême.
La souffrance parle, la vérité parle. Le trou parle tout seul. Mais pour le mettre à létude, il faut prendre des responsabilités. On ne peut pas apprendre de quelquun dautre comment se débrouiller avec ça.
Et par contre, quest-ce quon peut arriver a faire avec lanalyse ?
Elaborer lécriture de cet objet qui nous dérange pour arriver à faire la démonstration quil a une structure de refente, arriver a démontre, en cherchant a lécrire, exactement comme un mathématicien a des intuitions géométriques, arithmétiques, structurales, et quil va se donner la peine dessayer décrire quelque chose, pour construire des objets mathématiques, pour donner une explication de cette intuition. Et on peut arriver à écrire la structure de cet objet, en échec.
Cest à dire, il faut lécrire, pour montrer et démontrer les raisons de son impossibilité a sécrire.
Et ça ça un effet résolutoire. Il ne suffit pas de dire quil ny a pas de rapport sexuel, on peut pas lécrire. Il faut, à lépoque de la science, que chacun, dune manière particulière, dise et écrive son expérience de cet échec. Mais il faut que lexigence soit très forte.
Cest les conditions du discours de la science qui imposent cette exigence. Cest dans ce contexte là que nous travaillons. Quest ce que font toutes les autres pratiques dans ce monde ? Remplacer la parole, le sexe - appelez de Dieu si vous voulez - le remplacer par des machines qui lécrive sans échec, mais . elles tombent tout le temps en panne (rires)
Mais on essaye de chasser ce problème. Hors il revient tout le temps, et jattache beaucoup dimportance au fait que ce travail ne peut être fait que particulièrement, parce que chaque tentative particulière est instructive, est un progrès. Mois jai obtenu un résultat par ma pratique, dont je peux faire état publiquement. Cest ce que je fais dans mes cours et conférences. Mais cest juste pour soutenir, pour encourager a dautres a en faire autant. Parce que je nai aucune illusion sur le fait que ma solution pourra être celle des autres, parce que ma solution nest pas la même que celle des autres, puisque les autres on besoin de faire leur chemin particulier pour trouver leur solution, et chaque chemin est intéressant. Mais il faut être aussi assez exigent pour aller jusquau bout pour construire quelque chose qui est tout à fait concurrent avec le discours de la science, pour témoigner dune époque, et que cette révolution dans laquelle nous sommes, sachève, pour quon passe à autre chose. Je ne sais pas ce que se sera, je ne suis pas un prophète, lavenir je nen sais rien. Mais je pense que tant que nous naurons pas résolu, jusqu'au plus extrême, ce problème de quels sont les effets traumatiques du dire, la façon dont lhumanité a toujours utilisé le dire pour faire marcher les hommes au pas, et bien, tant quon naura pas résolu ce problème, on continuera à développer une structure équivalente au symptôme dans la société, et à occuper toute la politique autour dun symptôme quon peut appeler social, économique, et qui est léquivalent du symptôme particulier de chacun, et qui conduit à que chacun oublie son symptôme et soccupe du symptôme collectif. Tout le monde oublie de faire son analyse et soccupe de la misère du monde
Michel Sauval : mais on se trouverait là avec un problème de type pastoral : la solution de tous les problèmes du monde serait que tous aillent chez lanalyste ?
Jean Michel Vappereau : Mais justement, la question est que la charité freudienne invite quiconque a faire ça, mais nous nous savons bien que tout le monde ne fera pas son analyse.
Et moi je ne dis pas du tout quil faut que tout le monde fasse son analyse. Je dis que lanalyse ça se fait dans le cas particulier, et quil faut quil y ait un certain nombre de cas particuliers pour faire lien social, pour arriver a construire quelque chose qui achève la question du sujet dans le monde capitaliste et scientifique.
Qui aboutit à quoi ?
A rendre raison de limpossibilité du rapport sexuel, a que ça rende possible la possibilité détude dans chaque cas particulier qui le souhaite. Et qui donne un éclairage sur le problème principal de notre époque - et pas seulement depuis aujourdhui, mais depuis longtemps -, cest comment résoudre le problème de la ségrégation humaine. Une société ne peut fonctionner que sil y a des différences. Mais les différences regardez dans lhistoire elles sont entretenues dune manière sauvage. Il ny a pas de changement possible : vous êtes né du bon coté vous aurez la chance, vous êtes né du mauvais coté vous naurez pas la chance.
Cest scandaleux. Regardez comment fonctionne la nécessité de créer la différence dans la société. Cest entièrement inerte. Cest réglé davance comme du papier a musique.
Pour quon puisse commencer a parler, pas dégalité, mais au moins dun peu de chance, pour que chacun puisse faire sa vie, ce nest pas une pastorale, pour quil y est un vraie je politique .
Michel Sauval : je vous posais la question de la pastorale de ce coté-ci : la révolution ou le changement social devrais passer par lanalyse de chacun. Mais cela se propose partout dans la psychanalyse, tant théoriquement par exemple, opposant le discours psychanalytique au discours du maître comme une opposition dans le champ du social que pratiquement lintégration aux institutions psychanalytiques comme solution sociale.
Lacan disait que Marx était celui qui avait découvert le symptôme dans le social.
Pour changer cet état de chose il doit y avoir une implication sociale qui nest pas simplement celle daller faire une analyse. Si non, jinsiste, cest sur la psychanalyse que tombe la responsabilité du changement sociale.
Jean Michel Vappereau : Non, non, nallons pas trop vite, pour être précis.
Je ne dis pas quil faut faire un révolution sociale. Je dis quil faut achever la révolution dans laquelle nous sommes. Nous sommes dans une période révolutionnaire, nous sommes dans un tournant. Pour moi la révolution ce nest pas autre chose quun tournant. Cest le mot révolution qui le révèle. Nous sommes déjà dans une période révolutionnaire qui a commencé avec le début du XIX° siècle. Pour résoudre ce tour, il faut dire ce quil est, et regarder les moyens quil faut mettre en uvre pour le résoudre. Cest ça ce que je dis. Pour achever la révolution il faut rendre compte de la rationalité, de la raison, de ce qui sappelle sexualité. Et le discours capitaliste et le discours scientifique, rejettent ce problème qui sappelle sexualité, qui sappelle traumatisme sexuel.
Mais pourquoi Marx a-t-il découvert le symptôme ?
Cest parce quil décrit très bien le passage du temps féodal au temps moderne, avec lapparition de la marchandise, qui devient principale, et le marché du travail, et de là se déduit la plus-value, etc.
Hors, quest-ce que la marchandise vient occuper comme position ?
Elle occupe la position, en tant quobjet, de ce qui était, semble-t-il, avant, le discours du maître.
Quest-ce que cest le discours du maître ?
Le discours maître cest le caractère impératif du dire. Cest justement ce qui est traumatique. Cest ce quutilisent, depuis toujours, toutes les civilisations pour faire marcher les choses.
A un moment donné dans lhistoire, ce discours du maître décline. Et on assiste à ce passage du monde féodal au monde moderne.
Et aujourdhui encore, je prétends que tous ceux qui considèrent le problème de la civilisation, ils ne nous proposent que deux solutions : ou une solution attentive, qui consiste a subir cette situation capitaliste et scientifique, et par contre, les autres, ce sont tous des réactionnaires qui pensent retourner au discours du maître. Parce que ce quon appelle le fascisme cest un retour au discours du maître, ce qui nest pas possible. Et il y a, même dans le champ psychanalytique, des gens qui croient que la psychanalyse restaure le discours du maître.
Regardez Foucault, regardez en dehors de la psychanalyse, dans le discours philosophique, quest-ce que dit Foucault de la psychanalyse ?
Il dit que Freud a restauré le pouvoir oraculaire du médecin.
Non !! Freud a découvert la permanence des effets nocifs de cette fonction oraculaire de la parole.
Fonction oraculaire que nous ne savons pas comment traiter. Et il sest posé la question de quest-ce quon peut faire avec ce problème. Et ça donne dans notre époque, majoritairement, une tentative dévacuer ce problème. Et là vous avez lautisme infantile. Il y a des enfants qui saperçoivent que tellement plus de politique la politique cest la parole tellement peu dart poétique, dart littéraire, de style dans la parole, que ça ne vaut même pas le coup de jouer avec les autres avec les mots. Et ils se refusent à participer à lexercice du discours avec ses pièges, ses difficultés -. Mais ça conduit à quoi ? Labsence de lexercice de la parole ça produit une degénération du corps, des maladies, une infirmité du corps. Parce que le corps humain est le corps dun mammifère prématuré, débile ..
Mirta Benitez : . Le manque de lexercice de la parole ?
Jean Michel Vappereau : Oui, bien sur, ça a des conséquences physiologiques, qui deviennent de plus en plus graves avec les années.
Michel Sauval : On le voit aussi dans les symptômes des adultes .
Jean Michel Vappereau : Oui. Je prétends que grâce à Freud nous avons déjà des moyens et des éléments de manière de nous retrouver dans cette structure. Mais il faut accepter de jouer le jeu avec Lacan et avec Freud. Jouer le jeu avec Lacan ça veut dire lire Lacan, avec toute cette part de difficulté et dincompréhension.
Ce jeu consiste aussi à interroger, à répondre, à mettre en cause la psychanalyse.
Il faut la questionner, il ne faut pas laccepter telle quelle, non!
Cest pour cela que les discussions sont nécessaires.
Michel Sauval : Là il y a un point de rapport entre la "pastorale" et le fait dattendre, parce que la "pastorale" est, dune certaine façon, le fait dattendre, daccepter la fin de lhistoire de Fukuyama, et puis faire de la psychanalyse une philosophie politique pour « survivre » dans ce monde
Jean Michel Vappereau : Moi je dis quil ne sagit pas de survivre dans ce monde, il faut encore le transformer. Les techniques scientifiques, le monde moderne est arrivé à un tel degré de développement, que les choses sont devenues radicales. Ce nest pas du tout une subversion de ce qui se fait avec la technique, cest le fait douvrir une possibilité, justement, de futur, même, et y compris, avec la technique. Moi je ne suis pas écologiste.!
Je ne dis pas quil faut faire une bonne science bien gentille. La science cest un fait historique qui marche, qui se développe sans demander notre avis, et ça fonctionnera même avec tous les comités déthique que vous voudriez mettre, cela va continuer à fonctionner. Seul le discours analytique, qui est un lieu constitué, à condition que nous voulions supporter cette constitution, est le lieu où peut se poser la question de la responsabilité du sujet dans le monde de la science.
Aujourdhui, les savants qui ont fait la bombe atomique, ils se posent des questions de responsabilité. Demain, avec les découvertes biologiques, ils auront aussi des problèmes de responsabilité. Mais le discours de la science et du capital ne leur demande absolument pas leur avis, on leur demande produire de résultats scientifiques, et on ne sintéresse ni aux motivations, ni au désir, ni a la responsabilité. On leur demande des résultats et on les paye pour cela, sans leur demander leur avis. Et leurs produits, leurs inventions, leur échappent.
Le seul endroit ou on peut poser sérieusement la question de la responsabilité, cest dans le discours analytique. Mais encore faut-il déterminer les conditions dexercice. Et aucune réglementation, aucun droit, ne réglera le problème de larticulation interne du discours, pour quil soit effectif, quil ait une efficace et quil ait lieu.
Moi, je ne suis pas en train de dire quil faut réglementer; je dis quon doit élaborer le discours lui-même. Il faut être capable de le tenir, cest à dire, de le parler, et de le commenter.
Et il faut organiser des discussions, il faut organiser le débat! On ne peut pas débattre dune manière facile ces questions : il y a des enjeux passionnants et passionnels très grand, pour pouvoir progresser.
Michel Sauval : Dans ce sens là, comment penser sur une direction dans le travail de la psychanalyse avec des enfants ? Les interviews préliminaires devraient sadresser aux parents ?
Jean Michel Vappereau: Nous savons, avec lhistoire, ce quil ne faut pas faire. Pas dinjonction. Pas dintimidation. La grande erreur vis à vis des mères ça été de les accuser. Elles ont un rôle très important, mais ce nest pas une accusation ad-hominem.
Le père, il a une importance aussi, qui est un autre rôle. Mais ce nest pas une accusation ad-hominem non plus, parce que tous ces gens-là dépendent du discours, donc cest les discours quils portent et quils font parler qui ont des conséquences pour leurs enfants.
On ne peut obliger personne à étudier ces discours dans sa structure
En France, et même en Europe, et sûrement en Argentine, les lacaniens se croient très malins de faire des intimidations aux professeurs de philosophie. Comme la philosophie est terminée, aujourdhui on ne peut être que professeur de philosophie. Alors, les philosophes cherchent à faire autre chose. Il se trompe! Parce que professeur cest déjà une activité formidable!
Moi je ne sais pas si je suis mathématicien, mais je suis certainement professeur de mathématique; et je trouve que lactivité de professeur cest magnifique. Que ce soit professeur de philosophie, de mathématiques, professeur danglais, cela est très intéressant, et très nécessaire.
Bon, mais prenez Sartre, il nétait pas content dêtre réduit à être seulement professeur de philosophie, alors il a fait une carrière dauteur dramatique, et cest un dramaturge brillant !
Mais ça ne la pas satisfait et il a voulu sengager avec une autre chose, et il sest mit dans lengagement politique. Mais cest un faux chemin. Cest vrai que le seul chemin pour ceux qui ne veulent pas se contenter dêtre professeur - quoique je pense quil est bon dêtre un bon professeur, lorsquon a un métier et on le fait bien, cest très important- bon, mais si on veut faire autre chose de contemporain, on peut faire son analyse, cest une bonne idée
Plutôt que vouloir la faire faire aux autres, cest déjà bien de se poser la question de comment on va la faire soi même
Bon, mais on a dégoutté tous les professeurs de philosophie de faire leur analyse.
On leur a fait un jeu dintimidation.
Lacan ny participait pas du tout. Au contraire, il voulait inviter les professeurs de philosophie pour parler avec eux. Tandis que les petits lacaniens, ils se sont crû malins, de vouloir intimider les professeurs de philosophie, en leur disant « vous ne pouvez pas parler de psychanalyse, vous devez faire votre analyse pour pouvoir en parler ». Le résultat, la réponse a été de dire « sil faut faire une analyse avec vous pour parler de la psychanalyse nous ne ferons pas de psychanalyse et nous nen parlerons pas non plus ». Et donc, du coup, on en parle très mal, et même dans la psychanalyse on en parle mal.
Alors, pas dinjonctions, vis à vis des parents
Les parents peuvent savoir, si le discours psychanalytique existe, disons au-delà des textes, parce quil y a des praticiens qui sengagent comme analysants et qui ne pratiquent pas dinjonction. Nimporte quel parent peut savoir que la psychanalyse existe, et quil peut lui aussi faire sa psychanalyse avec un analyste quil choisit. Et le problème est aussi avec qui la faire.
Ariel Pernicone: Maintenant sil nous arrive un petit enfant qui a peur des chevaux, quelle est la position à adopter face à ce problème?
Jean Michel Vappereau: Vous remarquerez que Freud a contrôlé lanalyse du petit Hans, et quelle a été amenée par le père...
Ariel Pernicone: Mais il a reçu le petit garçon a un moment donné
Jean Michel Vapperau: Il peut lavoir reçu. Il ne va pas lui coller la vérole. Ce nest pas une maladie contagieuse. Il peut recevoir le petit Hans. La psychanalyse nest pas quelque chose de contagieux.
Cest au contraire, la décision de faire son analyse cest très rare et très difficile.
Par contre, vis à vis de lenfant, le père a mené lanalyse de Hans sous le contrôle de Freud. De toutes façons, après ce qui sest passer - Lacan le dit très bien dans télévision, ce nest pas moi qui le dit a lentrée du territoire de la phobie, les psychanalystes ont peur, ils reculent. A lentrée de ce territoire - je parle du territoire au sens éthologique, au sens ou les animaux vont pisser aux coins pour marquer leur territoire, et ça a des effets physiologiques parce quils peuvent faire la parade dans ce territoire ; ça ce nest pas de la psychanalyse cest de léthologie; nous même, nous dépendons aussi de léthologie ; mais la sexualité humaine nest pas, justement, la sexualité animale bon, ça nempêche que, dans ce lieu tensionnel, imaginaire, corporel et physique, qui touche au réel, les psychanalystes ont peur, et donc ils ne lapprochent pas.
Parce que la discussion avec un petit enfant qui a une phobie cest la même chose que discuter avec un alcoolique, ou un défoncé, ou un drogué. cest la même chose que parler avec nimporte quelle personne qui a une adiction
Moi je dis que la lâcheté des contemporains de Freud et de Lacan en matière danalyse, en tant quanalysants, ça aboutit au développement de ladiction, dans tout ce quon connaît dans la société industrielle comme trafic de drogue.
Cest le même problème quavec la phobie enfantine. Vous avez à faire à un discours de menteurs. Et il faut faire une partie de poker, avec lenfant. Et cest aussi fatiguant que de jouer toute la nuit et plusieurs jours daffiler, et plusieurs nuits daffilé sans dormir, pour parler avec un enfant qui est dans un état de phobie. Heureusement, des fois il est plus fatigué et il sendort. Mais il y a aussi des insomnies qui peuvent durer plusieurs jours
Cest tout à fait passionnant daller sur ce territoire avec lenfant.
Et en plus on peut dire quest-ce quon doit faire là: il faut faire la comptabilité de toutes les impossibilités, des impasses, du discours de lenfant, pour arriver à faire lexhaussions des impossibles, pour résoudre langoisse, et réussir à créer une structure de faille dans ce territoire,.
Mais une structure de faille qui, en plus, fonctionne, qui mette chaque sujet à contribution, en acte. Regardez la simplicité de la mentalité idéologique de nos contemporains : sous prétexte quil y a de limpossible, ils disent que plus rien nest possible. Cest le discours quon entend dans la psychanalyse : lanalyse ne peut pas finir, etc.
Tout ça, sont les prétextes de la lâcheté, et en plus, de la débilité mentale chez les adultes.
Je parle de lexhaussions, de la liste complète des impossibilités. Ce nest pas une complétude fermée sur elle-même, cest une complétude des incomplétudes.
Il ny a pas un thérapeute qui pense ça, alors que Lacan la écrit et la dit: Il faut faire lexhaussions de toutes les impasses pour résoudre langoisse. Et cette angoisse, elle existe, et on peut léprouver aussi quand on fréquente un phobique. Demandez aux familles des alcooliques ou des drogués, vous allez voir que langoisse, ils ont à faire à ça. Justement, ce sont des lieux où le sujet renvoi langoisse à lautre. Je considère que cest une question de résolution, dengagement et de décision que daffronter ces lieux, en voyant quil sagit de lieux de discours, qui ont une structure interne. Je fais la théorie de ce lieu, avec mes dessins. Le territoire de la phobie, je le dessine, je montre les traits de structure quil y a à lintérieur, comme si je faisais la cartographie de ce lieu. Cest très simple. Jessaye de ne pas avoir une pratique intimidante ou injonctive vis à vis de mes contemporains, je fais des efforts énormes pour ne pas leur faire peur.
Ils ont tous peur de moi et de mes dessins. Ils nosent pas les regarder. Cest tout à fait étonnant!
La théorie du de la jouissance - que je disais que cest le maître mot actuellement - ce que Lacan appelait "le champ lacanien", il est déjà largement construit, et jen ai fais la théorie dans mes livres. Et ce sera lu par les générations qui viendront. Je nai aucune inquiétude, je nattends rien. Jattends seulement que dautres sy mettent. Cest pour cela que je me promène, je visite, je rencontre, je pense que les rencontres sont toujours bonnes: on ne sait jamais ce qui peut sortir dune rencontre. Donc, je rencontre, je reste toujours très attentif à la rencontre.
Ariel Pernicone: On ne voudrait pas partir sans vous poser, encore, une paire de questions de plus. On lisait que vous posez que la structure ddipe cest une question que lenfant se fait. Est-ce un? Ou est-ce deux?
Jean Michel Vappereau: Jai démontré dune manière très élémentaire et simple quon pouvait lire une formule de Lacan, dune manière instructive et qui donne à reflechir. Le signifiant S un (S1) et le signifiant S deux (S2), Lacan écrit un "S" avec un index 1, un index 2, alors on pouvait lire "S1" comme une question, ou "S2" comme une question.
Je pourrais parler longtemps, il y a des problèmes très intéressants concernant justement lunicité, lunité et la question du 2, ce que dit Freud de la libido, et quon ne peut comprendre que si on a la bande de Mbius. Il y a nécessairement deux faces à chaque endroit de la surface, mais le résultat global cest quil ny a quune seule face.
Voyez la différence entre Freud et Jung, avec cette histoire de « 1 » ou « 2 ». Parce que la formule de Freud cest celle de dire quil y a nécessairement deux libido mais cest peut-être la même. Alors voyez, le pauvre Jung, il ne comprend pas et il dit «<bon, alors il ny en a quune » . Mais avec la bande de Mbius vous pouvez commencer à penser le fait quune surface a nécessairement deux faces, localement, et que, finalement, par la construction de lensemble, ça fait une seule face.
En quoi cela est-il important pour les enfants?
Parce que je tiens que les enfants se posent des questions de ce genre, beaucoup mieux que les adultes, et à nimporte quelle occasion. Ils saperçoivent quil y a des difficultés à compter « un », à compter « deux », à reconnaître que deux choses sont pareilles et àvoir quand les choses sont différentes. Rien nest donné davance. Tout ce quils reçoivent cest un discours qui vient de lextérieur. Sil y a quelque chose dinné, cest le discours qui est déjà soutenu par des générations davant. Et le corps, il tombe là-dedans, où le langage tombe dans le corps, et il faut se débrouiller avec ça.
Alors le thème des parents cest, bien sur, de savoir sils sont un ou sils sont deux.
Cela est un point de vue très insuffisant, parce quil ny a plus de questions.
Jai parlé tout à lheure du malentendu des parents: ça cest vraiment quelque chose de déterminant, ça vient occuper la place de la castration. Les parents ne sentendent pas crier, ni dans la scène primitive quand ils font lamour, ni quand ils se disputent, les deux extrêmes du trauma. Entre les deux il y a plein dautres occasions de malentendu
Mais moi je voudrais surtout insister sur le fait quà mon avis, la vraie question, cest de se poser la question des analyses des adolescents. Parce que, les enfants, cest bien quil y ait dans leur entourage des gens qui ont été analysants ou qui sont analysants. La pratique de lanalyse met en disposition de pouvoir mieux parler avec les enfants - si encore on a été un analysant exigeant avec soi-même -.
Le problème actuel cest que beaucoup délèves de la psychanalyse espèrent découvrir, dans un fantasme dorigine, la structure quils pourraient tenir de leur pratique de lanalyse et de la lecture de Freud, et de la lecture de Lacan. Ils espèrent la découvrir a létat natif dans les enfants.
Cest justement de que dit Freud a Hans quand il le rencontre. Il ne lui dit pas « grâce à toi jai découvert la sexualité infantile ou la phobie, ou linconscient ». Non, il lui dit « je savais déjà quun jour un petit enfant viendrait »
Et voilà ce quécrit Freud à propos de lhomme aux loups. Il dit, au début de lanalyse, quil va faire une analyse de la névrose infantile « chez un adulte », et il dit que chez un enfant, cest tellement peu élaboré, que ça na aucun intérêt.
Donc, voyez ce fantasme de ces gens qui pratiquent lanalyse denfant et qui essayent de nous faire croire quils vont nous apprendre quelque chose sur la structure, que se sont de grands thérapeutes car ils parlent avec les enfants. Ils démontrent, simplement, quils nont rien compris, ni au problème, ni à la pratique. Par contre, Freud dit quil est intéressant détudier, par lanalyse, une névrose infantile chez un adulte.
Le vrai scandale cest à ladolescence.
Les enfants, il faut les élever avec les difficultés quils peuvent rencontrer. Bien sûr, il faut éviter les mauvais traitements, cest ça le principal pour les petits, les mauvais traitements physiques et les mauvais traitements discursifs.
Cest important parce quil y a des fous qui croient à leur être, qui croient a ce quils sont, qui veulent, par exemple, de lautorité, et qui, donc, sidentifient à lautorité.
On na de lautorité quen fonction de ce quon fait soi-même, en tant quon est auteur. Cest en fonction de ce quon fait quon est autorisé à quelque chose.
Par contre, à ladolescence, on regarde les adolescents, avec un air, comme ça, un peu amusé, et tout le monde est daccord pour penser - vous savez, à la télévision ils disent: « le douleureux passage de lenfance à lâge adulte » - et tout le monde est daccord (cest des adultes) pour dire quon sait très bien quest-ce que cest le problème : le problème cest quils ne baisent pas, et que le jour où ils vont trouver un partenaire sexuel, et quéventuellement ils dairons des enfants, tout sera arrangé.
Ce nest pas vrai, cest une escroquerie. De baiser, je trouve ça très bien, comme pour travailler, je trouve cela très bien aussi, mais pouvoir aimer, pratiquer la sexualité, se reproduire éventuellement, avoir des jeux sexuels même pas animaux parce que la sexualité humaine nest pas réductible à la sexualité animale, dans la sexualité humaine vous avez des sujets que sont hétéro mâles et des hétéro femelles, vais vous avez aussi des homosexuels mâles et des homosexuels femelle, cest une pratique sexuelle humaine que davoir un partenaire sexuel, davoir des jeux sexuels avec la personne quon a choisi -, donc, pour pouvoir aimer, pour pouvoir travailler, il faut être capable darticuler la question du sexe, mais sur son terrain propre. E je dis que cest un terrain logique, discursif, et qui ne peut se conquérir quavec une pratique effective. Il faut être passé par la construction et la déconstruction, lélaboration et léchec, et de nouveau lélaboration et léchec, un certain nombre de détours, pour arriver à une solution resolutoire, qui comporte une part dimpossible, dincompréhension, dimpossibilité radicale, pour arriver à avoir un détachement absolu, pour pouvoir justement aimer, travailler, élever ses enfants si on en a, et faire autre chose si on na pas denfants.
Les théories eugénistes du sexe voudraient nous faire croire que le but de la sexualité est la reproduction. Que les états sintéressent aux théories eugéniques, bon, daccord, parce que cest lintérêt de létat davoir une population qui se développe et qui se reproduit, toutes les civilisations ont été eugénistes, et elles ont raison.
Mais, est-ce que le discours psychanalytique est obliger de participer à cet effort de guerre ?
Et dentretenir un discours erroné, qui produit de la misère, concernant le sexe.
Il faut dire que la sexualité humaine nest pas du tout calquée sur le modèle de la sexualité animale.
Déjà la différence des sexes, et le fait, donc, quil y ait des hommes et des femmes, et que la sexualité humaine repose au moins sur quatre termes - parce que non seulement il y a des mâles et des femelles hétéros mais aussi il y a des homosexuels mâles et femelles - et quil y a des paranoïaques qui ne supportent pas la différence, et que ça fait des homophobes qui réprouve lhomosexualité, et cela crée aussi des antisémites qui réprouve les juifs.
Parce que la question, depuis la diaspora de la Bible, cest bien la question de la différence exposée dune manière radicale.
Vous voyez, ce nest pas une pastoral se poser la question de la différence sous tous ses aspects, pour avancer, pour progresser, dans la formulation et la pratique de toutes les questions où nous rencontrons des difficultés avec la différence et avec lidentité.
Parce que chacun, à ladolescence, se pose de nouveau ces questions didentité et de différence.
Et là, proposer aux gens, adolescents, même a 12 ans, de trouver les moyens de sengager dans un travail, ou ils vont devenir adultes, cest a dire, sengager, prendre des responsabilités, on peut le faire très jeune, à ce moment là on peut pratiquer la psychanalyse. On peut pratiquer la psychanalyse avec des gens très jeunes. Et dans le futur, je suis certain que des analysants inventeront des procédures, construiront des configurations, ou on pourra faire faire une analyse véritable à des sujets très jeunes.
A ladolescence, cest une très bonne réponse lanalyse.
Sinon vous aurez toujours ce développement dadictions, de misère, pas seulement sexuelle, corporelle, sociale.
Je pense que cest des questions dans le monde où il y aura encore à innover, mais dans le cadre, dans le contexte, dans les cordonnées de Freud et de Lacan. Et quil y a encore beaucoup de travail à faire, et que ça risque de durer encore longtemps, et que quand on sy mettra un peu plus sérieusement, ce sera aussi difficile et longs.
Je ne pense pas que les choses puissent sarranger comme ça. Cest pour ça que des maintenant je crois quon doit commencer à être sérieux, ce nest jamais trop tard. Il vaut mieux commencer le plus tôt possible, sans avoir lambition de convaincre tout le monde. Il faut que chacun regarde dans sa propre assiette.
Ce sont des propositions.
Ariel Pernicone: Je ne sais pas sil y a quelque chose de plus ..
Jean Michel: Vous voyez pourquoi je voulais vous parler de ça a propos de la question de ldipe.
Jai réduit la question sur ldipe, qui mintéresse beaucoup, mais jai déjà écrit des choses sur cela, mais je voulais profiter de cette occasion pour préciser ces questions...
Mirtha Benitez: Cest bien! daccord...
Jean Michel Vappereau: Petite enfance, adolescence, âge adulte. A ladolescence, pour moi, la réponse que donnent les adultes aux adolescents, je trouve ça absolument épouvantable. Ça fait des jeunes qui vont avoir après, beaucoup de difficultés...
Mirta Benitez: tout à fait ...
Jean Michel Vappereau: des enfants qui infantilisent dautres enfants.
Mirta Benitez: Nous avons pensé à ce problème, cest un ?, cest deux ?. Tu dis que la fonction paternelle est le résultat dune nécessité structurelle, qui fait que quelque chose sefface, ou disparaît pour apparaître dune autre façon. Pourrais-tu préciser un peu ça?
Jean Michel Vappereau: Si on rapporte les choses en fonction du dire - jai produit beaucoup de commentaires pour articuler la fonction du phallus et la castration à la fonction du dire - la castration, je ne le précise toujours, il sagit de la castration de lAutre, cest celle là qui est importante - alors, jai donné beaucoup de développement - ensuite, la question du phallus et la castration, il ne faut pas confondre cela avec la fonction paternelle.
La fonction paternelle, elle se réalise dans le miroir, cest la question de la droite et de la gauche, qui se distingue de la question de quest-ce qui sinverse dans un miroir.
Dans un miroir se sont des objets de dimension trois qui voient une de ses dimensions sinverser, mais on ne sait pas laquelle. Et cest ça la fonction paternelle qui permet de pacifier, de créer une coupure dans le champ, justement, de la tension phobique et de la tension du territoire de la jouissance. Cest cette équivoque quil y a au miroir, le fait quune dimension sinverse, mais on ne sait pas laquelle.
Lacan formule la fonction du père en disant que le père mérite notre estime et notre amour, à condition, justement, que son désir soit perversement orienté, cest à dire, fait dune femme, il est constitué dune femme. En effet, la perversion nest pas une mauvaise chose. Dans mon discours, cest la folie qui est toujours une mauvaise chose. Les fous pervers, ils sont des emmerdeurs, mais ça cest vrai aussi des névrotiques fous et des psychotiques fous. Mais tant quon nest pas fou, ce nest pas grave la psychose, la névrose, la perversion. Cest nécessaire!
La psychose, nous vivons dedans, avec la science et le capital. La névrose, cest ce qui permet, a peut près, que ce soit viable, et il faut une certaine dose de perversion, justement, pour introduire la dimension symbolique. Le fétichisme ce nest pas une mauvaise chose, cest nécessaire, évidemment, pour samuser un peu au lit. (rires)
Nous navons pas de moralisme ni de recette a propos de cela. Nous avons une position éthique et discursive : cest « pas de folie », cest a dire, ne pas se prendre au sérieux, ne pas se croire, ne pas se croire père, etc.. Parce que le père justement, il fonctionne bien quand il est inconscient. Tout le monde lui aboie après, on dit « le père nest jamais sûr », la mère on sait parce quelle porte lenfant, mais le père on ne sait pas.
Ce nest pas vrai.
Le père est toujours sûr, comme le pire - cest à la fin de lOdyssée, le père dUlysse dit « le père et le pire, cest toujours sur » -. Le problème cest quil est inconscient, il est incapable de témoigner de ce que cest quêtre père. On ne peut pas se penser père, on ne peut rien dire dintéressant sur la paternité, là est limpossible. Ecoutez tous les témoignages des pères, ce sont des témoignages de maternage, et en plus il souffrent, les pauvres père, comme moi, parce que il ne peuvent pas donner le sein, il ne peuvent pas porter lenfant, etc,. Alors, cest la confusion totale, mais ce ne sont jamais que des témoignages de maternage. Le père est inconscient.
Alors, quest-ce que ça veut dire la fonction paternelle?
Cest introduire cette dimension, qui est celle dune exception, mais qui est absolument banale. Je te le disais au miroir : une dimension sinverse, donc il y a une dimension exceptionnelle - cela ne commence quavec la dimension trois de lobjet - mais on ne sait pas laquelle, cest une quelconque. Ça cest exceptionnel et banal, cest ça qui va permettre de constituer le nom du père.
Et quest-ce que cest le nom du père pour un enfant?
Cest, par exemple, la manière dont la mère fait les pâtes, ou le riz, ou comme elle fait les tomates farcies, ou la manière dont elle apprend a un enfant a se laver les dents, ou à se laver les pieds, ou à se laver ce quil veut. Le problème est dans les techniques de civilisation. Quand il y a des choses, comme ça, quon apprend aux enfants - en général cest la mère qui leur apprend -, cest quelque chose qui va, pour lenfant, avoir cette qualité. Il sait très bien que cest tout à fait banal, mais pour lui, cest exceptionnel. Justement, quand il va devenir plus grand, et quil va rencontrer quelquun avec qui il va faire une autre famille, il y aura des conflits au niveau du nom du père, car chacun a ses petits trucs de civilisation, absolument banals, mais exceptionnels.
Il faut que la mère transmette quelque chose comme ça, qui est le fruit dune négociation entre elle et le père. Vous voyez, la manière dont ma mère faisait les pâtes était géniale (rires)
Je rencontre une femme et elle sen fou complètement des pâtes (rires).
Ma mère faisait beaucoup mieux (rires)
Cela peut venir se glisser dans toutes les occasions où il y a des techniques de civilisation. Voilà pourquoi je conseille de lire le manuel dEthnographie de Mause, Marcel Mause a fait un livre dans lequel il énumère toutes les choses quon peut observer dans une civilisation quon ne connaît pas. Et cest génial, parce quil y a des tas de choses que nous nimaginons même pas, parce quelles sont si banales et habituelles, quon nimagine pas que ce sont des faits qui sont marqués.
Ça va jusquau techniques du corps, la manière de nager, la manière de se laver, et aussi la manière de se masturber. Mause en parle, ça fait partie des techniques du corps
Donc, la particularité exceptionnelle et banale qui constitue la symbolisation, cette fonction du père, qui permet justement symboliser, de ne pas être fou, daccorder de limportance sans accorder de limportance, et déviter dêtre la belle âme - parce que la folie cest la belle âme, la folie cest « toujours les autres qui ne vont pas bien, moi, je fais toujours bien ».
La fonction paternelle a un rapport avec la folie
Vous voyez, cest une nécessité pour quil ait un certain tempérament, pour quil y ait une façon de fonder, déchouer, de reconnaître quil y a de limportance dans les échecs, et quon peut recommencer, quon peut faire autre chose.
Voyez ce monde de plus en plus bloqué dans lequel nous sommes, dans lequel on vous dit « Ah! une fois que les choses son faites comme ça, ça ne change plus », « si vous navez pas fait des bonnes études à tel âge, si vous navez pas tel emploi, vous ne trouverez plus de travail, si vous navez pas suivi une carrière pendant cinq ans, bon cest fini, la vie cest finie!! »
Cest un scandale. La vie est pour vivre et on peut toujours recommencer.
Ariel Pernicone: Pourriez vous faire une synthèse de ce que vous pensez de la folie .
Jean Michel Vappereau: Le point cest quon doit se référer au deuxième chapitre, dans lécrit qui sappelle «A propos de la causalité psychique» où il prend lexemple du fou dans Molière, cest Alceste dans le Misanthrope, cest celui qui dit « tous les autres ne vont pas bien, ce que moi je fais cest bien ». Alors Lacan donne une définition générale de la folie, cest la méconnaissance. Et puis il décline cela en trois points. Dabord, principalement, cest la belle âme, reprocher aux autres et on ne soccupe pas de ses affaires. Ensuite il dit quêtre fou cest se croire ou sy croire, et voyez que toute lontologie, toute la philosophie entretient une sorte de folie, puisque aujourdhui encore, même à notre époque, on a connu des systèmes idéologiques qui visaient à faire lhomme nouveau : le stalinisme, ou le sur-homme des nazis.
Cest différent de Nietzsche. Il faut lire Nietzsche. Mais ce nest pas facile en tirer les conséquences qui sont de faire croire a lêtre de la perfection Vous voyez quaujourdhui, encore, il y a des gens qui veulent nous faire croire quils sont psychanalystes. Psychanalyste on ne peut pas lêtre. Cest comme le père, le psychanalyste aussi est inconscient.
On peut être analysant, on peut être professeur.
On peut être père de famille, mais on est inconscient, donc on nest pas beaucoup père de famille. Cette fonction de lêtre, cest la folie. La psychanalyse parle dun sujet qui est refendu, divisé, ce nest pas un être, ce nest pas une position stable. Alors quand on vous demande votre identité, et tout le droit moderne qui vise à la responsabilité individuelle, cest quelque chose qui fabrique de la folie, et qui, au bout de compte, minimise le problème de la responsabilité.
On nest pas responsable de son image corporelle. On est responsable de ses actes, et même des actes de paroles dans lanalyse. Le fait de dire, cest une responsabilité. Ça peut tuer, alors, cest très grave de dire, de parler. Cest une responsabilité énorme de ne pas être fous.
Parce que, jusque dans la parole, les conséquences de ce quon dit son imprévisibles. Alors la responsabilité de lanalysant qui parle est grave, et on comprend pourquoi Freud était pessimiste. Parce que prendre la responsabilité sur les conséquences de ce quon dit, sans être capable de prévoir les conséquences, ce nest pas facile.
La dernière définition de la folie que donne Lacan, cest que le sujet est parlé par un Autre, le sujet qui se considère parlé par un autre. Donc, tout le monde est fou, parce que nous sommes des êtres débiles qui sont parlés par le discours de léducation, et donc, nous sommes nécessairement des fous, la notion de linconscient limplique.
La notion du fou cest lié à la notion de linconscient. Cest pour ça quil faut prendre la responsabilité. On ma fait dire que je disais que cétait naturel. Pas du tout, nest pas du tout naturel. Cest une situation initiale, mais qui ne se présente que dans la situation du discours humain. Cette folie na rien de naturelle.
Le fait dêtre parlé par un autre, conduit, effectivement, à reprocher des choses à cet autre, quon retrouve dans la définition de la belle âme et de la méconnaissance.
Ce quil faut alors, apprendre à quelquun, même sil y a des hallucinations : « bon, très bien, tu a limpression dêtre gêné dans ton monde par lautre, mais cest le cas de tout le monde, les autres, seulement, ils ne se rendent pas compte », parce que la névrose cest se mettre des tampons pour ne pas sapercevoir quon est dépendant de lautre.
Pour finir, dun mot, il est très difficile de ne pas être fou, puisquon est déterminés, effectivement, par lAutre. Mais cest une décision de se refuser de se prêter a la deresponsabilisation.
Je vous donne un simple exemple à propos de la ségrégation humaine: La faiblesse des organisations anti-racistes, cest que cest un problème qui ne finira jamais, dans le sens de cette logique Freudienne. Il faut bien penser bien que, raciste ? Certainement je suis xénophobe, raciste, antisémite, je déteste mes voisins, je déteste tout le monde, même je me déteste moi-même. Mais moi je me refuse à me prêter à un discours raciste, je trouve intolérable quon se laisse aller a la facilité de régler le problème au détriment des autres. Cest ça ce quil faut apprendre à dire.
Bien sûr je suis préoccupé, par une question, comme tout le monde, pour un problème didentité et de différence, mais je refuse à abandonner ma responsabilité et mon problème au détriment des autres, pour prendre une solution facile.
Cest ce genre de question quil faut discuter.
Ariel Pernicone: Nous vous remercions, tous les deux, votre générosité dans la transmission. Jai lu par-là, que vous vous définissez, comme un lecteur des Ecrits, essentiellement, et comme quelquun qui enseigne a lire.
Jean Michel Vappereau: Oui, oui!...
Jessaye de faire un travail dalphabétisation, parce que je crois quon ne sait pas lire. Avant de pouvoir écrire, il faut lire, apprendre à lire.
Ariel Pernicone: La lecture est un travail!?
Jean Michel Vappereau: Oui, cest un travail, oui ! Il y a des choses qui sont dans les séminaires qui ne sont pas dans les Ecrits, mais rien qui soit important.
Je dis encore deux choses : pour lire les Ecrits, il faut lire les Séminaires. Cest la méthode Freudienne, la méthode de Champoleon : il faut avoir deux versions de textes pour lire, pour pouvoir les confronter .
Les Ecrits sont une rédaction condensée, au sens technique, condensée ça veut dire rhétorique, qui évoque, qui a un certain style. Et puis les Séminaires développe une technique importante, par exemple, sur le triangle de Pascal et sur le nombre dOr, on trouve très peu de choses dans les Ecrits, et pourtant on trouve dans les Séminaires un développement très important.
Pour lire Lacan dans les Ecrits il faut lire, en plus, beaucoup dautres choses. Mais Lacan donne précisément, tous les moyens pour trouver les références de ce dont il parle. Je disais au commencement que jai passé dix ans de ma vie à fabrique ma bibliothèque
Je crois que ce serait intéressant den former une avec le corpus Lacanien et Freudien - et samuser en faisant une bibliographie - qui aurait pour but de mettre à disposition ce corpus.
Mirta Benitez: Merci beaucoup Jean Michel, merci beaucoup Paula.
Jean Michel Vappereau: Maintenant vous aurez beaucoup de travail! (rires)